Physique

Au cœur de la forêt d’Aubeclat, une bien étrange équipe se déplaçait. On pouvait y voir un Hippotrague noir avec sur son dos un jeune humain d’une vingtaine d’années paré de son collier caractéristique, suivi d’une petite gazelle de Thomson portant des sacoches sur son dos et un arc fermait la marche. Des cerfs observaient la scène avant de s’enfuir à la vue du bipède aux côtés des antilopes. On retrouvait le petit groupe quelques instants plus tard proche d’un arbre, mais l’Hippotrague avait disparu. En lieu et place de celui-ci, un homme occupé à mettre un pagne donné par l’autre humain. Il remercia son compagnon avant de prendre l’arc transporté par la gazelle et de le mettre en bandoulière. Ce n’était pas un humain, mais un vampire.

Voici donc celui qui se faisait appeler Yaggit. Il prenait l’apparence d’un homme d’une vingtaine d’années dépassée bien qu’il ait en réalité cinquante ans. Un âge relativement jeune pour un vampire. Un gabarit de taille moyenne pour un homme adulte, à savoir autour des 1,70 m. Il avait beau avoir des cheveux mi-longs de teinte noire, ils étaient souvent en bataille, donc il avait tendance à mettre un bandeau pour les retenir et faire une queue de cheval basse assez courte. Histoire que ça ne le gêne pas quand il s’adonnait à son activité d’herboriste que ça soit pour cueillir des plantes ou recevoir les patients. Son corps était assez fin, sans atteindre une maigreur particulière. Chose assez trompeuse quand on savait que la force d’un vampire pouvait être supérieure à un humain.

Un bruissement dans la végétation, puis la petite gazelle de Thompson leva sa tête, en alerte, Yaggit suivi également. Même pour un individu comme lui, les créatures de forêt pouvaient représenter une menace. Beaucoup de vampires issus d’autres clans que le sien l’ayant payé très cher en sous-estimant ces dangers, en plus de risquer le courroux de l’Héritière.

Yaggit avait une peau un peu plus sombre ainsi qu’un regard un peu fatigué laissant transparaître une certaine bienveillance. Ses yeux prenaient une teinte brun-sombre tendant vers un léger rougeâtre.  

Il s'éloigna pour aller inspecter d'autres végétaux plus loin. Il appela son esclave et son familier, les invitant à le rejoindre. Puis il montra sa trouvaille à l'humain tout en se perdant en en explications. Il le faisait avec un accent un peu marqué. Il arborait quelques tatouages, la plupart, des motifs abstraits, hormis quelques motifs représentant des antilopes au niveau de l'avant-bras. Surtout, il portait un marquage autour du cou, à l'ancien emplacement de son collier d'esclave, une volonté de se rappeler qu'il avait été humain un jour. Des cicatrices de coups de fouet ou de bâton labouraient son dos, témoignages d'un premier propriétaire abusif. Bien que la violence gratuite envers les esclaves soient interdites par les Newind, certains en étaient tout de même auteurs, profitant du statut des esclaves n'étant que du bétail et de la philosophie de Mihall réduisant les humains à des créatures accumulant tous les vices. Et qui irait croire les esclaves dont le maître cachait leurs blessures sous des vêtements.

Désormais c'était bien différent, Yaggit n'avait plus rien à cacher. Pour ce qui était de sa tenue, il portait le plus souvent un pagne, quand il ne se promenait pas nu comme beaucoup de vampires Newind. L'avantage étant que c'était facile à fabriquer, à remplacer et à mettre. Mais s'il était nécessaire de s'habiller de manière plus soignée, il prenait un pantalon simple avec une tunique en option, préférant être torse nu. Il marchait aussi souvent pieds nus, mais il lui arrivait de porter des bottes ou des sandales ayant une préférence nette pour la seconde option.

Il était bien rare de ne pas le voir avec son esclave Zab, un jeune homme atteint de mutisme et surtout son familier, Nisaba, une petite gazelle de Thomson femelle au pelage crème sur le dos avec des marques noires sur la tête et les flancs faisant la séparation avec le bas du corps blanc. Le physique de Nisaba différait assez peu de gazelles de Thomson standards. Il possédait également un chien sans poils du nom de Kuri III, car il avait déjà eu deux premières bêtes avant. Le premier étant parti de sa belle mort et le second ayant été écrasé par une carrosse.

Psychée

Le vampire continuait à donner des explications à son esclave concernant les plantes. D’un naturel plutôt calme et silencieux, Yaggit devenait très bavard quand ça touchait à ce genre de sujet. Autrement, il parlait assez peu. En même temps, c’était pas vraiment Zab, Nisaba ainsi que Kuri III qui pourraient avoir des conversations riches avec lui. Mais ça lui convenait. Les deux êtres étaient également ses confidents avec qui il avait tissé des liens. Son lien avec son esclave étant également mal vu par certains. Si c’était pour se manger des moqueries. Ce qui n’empêchait pas Yaggit de pouvoir développer des liens, mais il gardait une certaine méfiance ayant été trop souvent été victime des brimades car vu comme le faible du clan. Il détestait chercher des conflits malgré les quelques accords qu'il avait avec son clan.

Au sein de sa boutique, il avait su développer une certaine capacité de communication avec les clients, bien que ça soit loin d'être sa spécialité et qu'une bourde ne pouvait pas toujours être très loin. Il était notamment calme et doux et il le devait beaucoup à Athel. De par son aspect marginal, Yaggit avait assez peu de patients, mais pouvait tout de même compter sur sur des éléments très fidèles. Ses soucis de communications, il les compensait par une grande gentillesse et une certaine douceur. Si au premier abord, Yaggit semble une proie facile pour les escrocs, il fallait tout de même pas le sous-estimer. Un certain Euzaric avait tenté le coup et réussi à le dépouiller. Si le médecin s'en rendait compte et qu'il devait un jour recroiser la route de cette personne, elle allait devoir s'attendre à payer le prix. Le vampire était plutôt un adepte des coups bas et de viser là où ça faisait mal. En dehors de la fuite, la ruse se révélait être une arme secondaire très intéressante pour les faibles. Ce cher Euzaric en avait fait les frais quand suite à une bagarre où il s'était cassé le nez, il avait été contraint de prendre son mal en patience derrière une file de petits vieux connus pour raconter leur vie pendant des heures. Sans être l'individu le plus rancunier qu'il soit, se le mettre à dos n'était pas non plus l'idée du siècle.

Yaggit rangea ses affaires et sonna l'heure du départ. Il chargea la gazelle de Thomson et Zab prit également des affaires sur lui. Le vampire se déshabilla et rangea son pagne dans un sac. Sa mère biologique lui avait appris à prendre soin de ses affaires et à les conserver le plus longtemps possible. Même sur une terre d'abondance comme celle de la forêt et malgré un statut de vampire, il avait gardé une certaine modestie. En même temps, au vu de son animal totem, il n'était pas du genre à vouloir se sentir supérieur aux autres. Étant un faible parmi les vampires, il avait appris à respecter les plus vulnérables et à prendre leur défense. Cependant, il ne se laisserait jamais tenter par une révolte ouverte étant donné qu'il connaissait bien les risques pour lui, mais surtout pour ses proches qu'il refusait de mettre en danger. Il était conscient du monde qui l'entourait et que les actes pouvaient avoir des conséquences sur les autres.

Yaggit entendit un autre son suspect au cœur de la végétation. Suivi d'une odeur qu'il reconnaissait. Aussitôt, il se mit à galoper en direction de l'orée de forêt où se trouvaient les villages humains. Zab était accroché à son dos, à pied, il les aurait ralentis à pied et son maître se refusait de le laisser derrière. Yaggit était conscient que la fuite pouvait-être un atout non-négligeable. La vitesse des herbivores leur avait suffi à se mettre hors de danger, même avec un poids supplémentaire sur le dos pour l'hippotrague. Une fois la menace jugée assez loin et proche des villages, Yaggit se mit dans un coin tranquille afin de reprendre sa forme humaine remettre son pagne.

Ses semblables lui inspiraient un profond mépris, hormis quelques uns. Surtout qu'il ne supportait pas leur mentalité vis-à-vis des humains traités comme du bétail. Ses souvenirs de son ancienne vie d'humain étant encore très récents. Il avait en particulier vécu la mise à mort de son village entier à cause d'une maladie. Il était souvent à pointer du doigt l'hypocrisie des vampires Newind se voulant respectueux du vivant, mais pourtant traitant des espèces, en particulier les humains comme une ressource à exploiter et élevés comme du bétail, chose que les autres animaux ne faisaient pas. Puis pour lui, ce n'était pas les humains en eux-mêmes qui étaient nuisibles, mais bien les quelques individus au sein des sociétés qui s'accaparant toutes les richesses et cherchant à dominer les autres. C'était bien eux qu'il fallait réguler et remettre à leur place. Il ne voulait pas croire les humains vils, égoïstes par nature. C'était l'idée même de noblesse qui était à bannir. L'homme avait su garder une certaine chaleur humaine et voulait surtout pas la perdre. C'était bien pour ça, que Yaggit tentait de contrôler sa nature de vampire étant compatissant vis-à-vis de ses proies. Cependant, il était totalement en accord avec le refus de la violence gratuite. Malgré des désaccords, il respectait beaucoup Athel, son ancien maître et donc son « père ».

Yaggit pouvait avoir un langage très familier et cru. Il savait tout de même faire preuve de retenue face à un individu mieux placé comme un duc ou la Princesse. Il pouvait tout de même avoir un langage un peu plus relâché avec Athel étant donné le nombre d'années qu'il avait vécu avec lui, mais gardant tout de même une retenue.

Toutes manières, il avait beaucoup de travail. Yaggit était un individu travailleur, ce qui n'empêchait pas de s'autoriser quelques loisirs et de lever le pied. La plupart du temps, il faisait la sieste. Il n'était pas rare de les voir lui et Zab, en train de paresser sur leurs hamacs. La demeure de Yaggit se trouvait dans une petite clairière au sud de la forêt pas très loin de sa lisière. La plupart des clients venaient des villages Newind proches. C'était une structure assez rudimentaire convenant à sa volonté de vouloir vivre dans des conditions modestes. Chose partagée pour le coup, par la plupart des vampires Newind, mais celui-ci était peut-être un des pires en la matière. En même temps, avec un mode de vie aussi simple, les tâches étaient assez réduites pour son esclave, bien que Yaggit ne soit pas vraiment du genre à se tourner les pouces pendant que Zab se payait tout le boulot. Là où beaucoup de vampires du Haut-Levant méprisaient le rapport des Tarak aux humains, Yaggit avait beaucoup d'admiration pour eux et souhaitait appliquer ce système à son échelle, chez lui, même si pour le moment, il n'avait que Zab à qui il accordait des jours de congés qui signifiait donc qu'il ne faisait rien dans la hutte. Sachant que de base, il avait pas grand chose à faire. Il le considérait comme son égal, ayant des idéaux de société plus égalitaire.

Yaggit n'était pas vraiment très porté sur les plaisirs de la chair, ce qui ne l'empêchait pas d'en avoir de temps en temps, mais ça restait occasionnel. Durant premières années de sa vie de vampire, il fréquentait de temps en temps les bordels pour se nourrir principalement ce qui ne l'empêchait pas de passer du bon temps. Celui-ci ayant cependant une attirance uniquement pour les hommes et préférant des relations plutôt douces et basées sur le consentement, un rapport horizontal et ne se limitant pas qu'à la pénétration. Dans une société aussi inégalitaire que la sienne, c'était donc peu envisageable pour lui. Et il se refusait ça sur Zab qu'il considérait plutôt comme un ami. Depuis le moment où Zab était devenu majeur, il avait arrêté de fréquenter les bordels, mais il achetait encore de temps en temps du sang en bouteille. Tant pis si c'était pas considéré comme le meilleur. Yaggit n'étant pas un fin gourmet.

Pouvoir

Totem de l'antilope :

Comme tout vampire Newind, Yaggit est capable de se transformer en animal. Son totem est un hippotrague noir. L'animal a les yeux de la même couleur que sous forme humaine. Sous cette forme, Yaggit gagne en vitesse et obtient un odorat et surtout une ouïe plus fine. Son champ de vision est élargi, mais il perçoit moins bien les distances que sous forme humaine. Yaggit peut également prendre un passager pas trop lourd sur son dos. Ah, et il a quatre estomacs en tant que ruminant sous sa forme animale. Vu son régime alimentaire, ça ne sert à rien, mais c'est là.

Histoire

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Au sein de la société Newind, les humains étaient plus que jamais vus comme du bétail qu’on pouvait élever et sélectionner. Une hypocrisie pour des vampires se voulant respectueux du vivant et au plus proche de celui-ci. C’était ce que pensait cet enfant terrifié, caché parmi la végétation au cœur de la forêt. Impuissant, il avait vu tout son village exécuté par les vampires, juste parce que des gens étaient tombés malades. Sa mère avait réussi à le faire fuir en lui ordonnant de partir dans la forêt. Avant qu’il parte, elle lui avait dit ces derniers mots.

- Quoiqu’il arrive, n’oublies pas que la fuite peut te sauver la vie, elle est l’arme des proies !

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Yaggit était né au sein d'un élevage d'humain qu'on trouvait chez les Newind. Même en tentant de réduire les humains à l'état de bétail, les vampires n'étaient pas parvenus à détruire ce qui faisait de ces individus des humains. Sa mère étant une reproductrice avec pour seul but de faire de futurs esclaves, Yaggit eut d'autres frères et sœurs auxquels il n'eut pas vraiment le temps de s'attacher. Il n'était pas le rejeton le plus exceptionnel, selon son maître. Et s'il prenait soin des spécimens rentrant dans les canons de beauté, les ratés devaient subir les coups de fouets et Yaggit n'était pas épargné malgré les protestations de sa mère. Car la philosophie Newind ne protégeait pas des violences et actes de cruauté envers les esclaves. Mihall, un misanthrope était à la tête de ce clan et avait attribué tous les vices notamment le mensonge aux humains. Qui irait alors les croire et les écouter ? Même si le clan prônait le respect du vivant et la condamnation des violences gratuites. Surtout quand leur maître faisait bien attention à ce que les blessures ne se voient pas avec des tuniques épaisses.

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Les conditions étaient rudes, mais les esclaves se serraient les coudes. Mis à part quelques uns qui semblaient prôner le chacun pour soi. Dans ce cas, s’ils n’avaient pas les grâces des vampires, ils ne vivaient pas très longtemps. Car même faire miroiter l'envie de devenir un favori afin de pousser les esclaves à se faire concurrence ne suffisait pas à briser totalement les solidarités. Les humains étaient avant tout une espèce grégaire et la vie en groupe avait été un atout essentiel. Mais il fallut une épidémie, quelques malades, et voilà que tout le village devait-être abattu.

Une véritable injustice pour cet enfant désormais orphelin se demandant qui étaient ces gens pour se croire tout permis sur les siens. Yaggit passa plusieurs jours seul dans la forêt à devoir survivre. Il était aux aguets en permanence. Il mangeait les quelques fruits qu’il trouvait, buvait l’eau dans les rivières. Il finit par être retrouvé par ni plus ni moins que le duc Athel Nethergold. Tuer ce fuyard sans collier fut une tentation, mais le duc en décida autrement. Il en ferait un esclave de plus en lui mettant un nouveau collier. Yaggit intégra le village principal du domaine d’Athel en tant que petite main chargée des tâches les plus ingrates, comme travailler dans les champs, couper du bois, ou réparer des maisons. Etant encore un enfant, assez faible qui plus est, il avait beaucoup de difficultés. Pourtant, il s’accrochait. Avait-il le choix après tout. Heureusement, il pouvait compter sur les autres esclaves pour l’aider. Même chose pour un vieil homme du village dont les autres prenaient soin. Les individus formaient des nouvelles familles entre eux malgré le fait qu’ils ne partageaient pas forcément le même sang. Pour s’occuper lors des très rares temps libres, il regardait les plantes et il posait des questions à leur sujet aux autres esclaves qui disaient tous que le maître était herboriste, il pourrait peut-être le renseigner, mais s’en donnerait-il la peine pour un simple esclave. Les jours se transformèrent en semaines, puis en mois et enfin en années. Yaggit était devenu un adolescent qui peinait moins au travail malgré un aspect maigrichon. Il avait pas perdu cette curiosité pour les plantes de la forêt qu’il observait quand il partait chercher du bois en forêt. Cet intérêt avait attiré l’attention du maître sur lui et un beau jour, il lui proposa de le prendre comme esclave personnel.

En plus des tâches domestiques, le jeune devait assister son maître dans son travail d'herboriste. L'esclave apprenait vite. Pendant ses excursions forestières, il pouvait observer divers herbivores sauvages vaquer à leurs occupations avant de fuir. Notamment en voyant Athel sous la forme d'une panthère. Ils vivaient dans un monde impitoyable, en bas de la chaîne alimentaire comme lui, mais ils étaient libres. Ils n'étaient pas des bêtes qu'on pouvait abattre par troupeaux entiers. Il admirait beaucoup les herbivores comme les antilopes ou les cerfs, des êtres qu'on pouvait voir comme vulnérables, et pourtant, ils avaient fait de l'art de fuir une arme pour rester en vie et surtout libre. Ils parcouraient le monde. Ce ne fut pas étonnant que son familier se révéla être une gazelle de Thomson qu'il avait retrouvée encore petite, sa mère n'étant pas revenue depuis bien trop longtemps laissant suggérer qu'elle avait été tuée par un prédateur. Il avait décidé de cacher l'animal dont il prenait soin à son maître, qui finit tout de même par la découvrir. Et il ne le prit pas très bien pour le coup et Yaggit eut double dose de travail pendant près de deux semaines. Mais il garda l'animal vu que c'était un familier. Même si ça restait une proie comme lui. Nisaba devint sa confidente dont il savait qu'elle ne révélerait rien à personne. Athel traitait tout de même bien mieux ses esclaves que dans l'ancien village de Yaggit, bien que la vie restait difficile. De plus, en forêt, il semblait être dans son élément, prenant soin du moindre être vivant.

Les années passèrent  et Yaggit finit par devenir un homme, entre temps, il avait quand-même finit par s’attacher malgré lui à son maître, pourtant, il en voulait encore aux vampires. Sur le statut des humains, il eut une conversation avec son propriétaire. Notamment sur les abattages de ce que les vampires appelaient les troupeaux. Athel lui expliqua que sa colère était légitime, elle lui donnait de la force, mais elle l’aveuglait. Et qu’il ne devait pas vouloir sauver à tout prix les humains. Ce sacrifice s'était révélé nécessaire pour éviter que d'autres ne meurent de l'épidémie. Yaggit n'avait pas vraiment su quoi en penser. Il se persuadait qu'il pourrait y avoir d'autres solutions comme des quarantaines.

Mais il avait su enfouir sa rancune et semblait s’être résigné à cette vie. Comme s’il avait le choix après tout. La gentillesse d'Athel l'avait également beaucoup aidé à tenir, bien que les punitions ne soient pas absentes.

Puis la vie continua pour Yaggit. Tous les jours, il observait les esclaves bien moins lotis que lui qui travaillaient. Il avait beaucoup de peine pour eux, mais il la gardait enfouie en lui et s’isoler pour la libérer. Sa mère lui avait apprit à accepter ses émotions et de ne pas avoir honte de celles-ci afin de mieux se contrôler. Il se sentait malgré tout obligé de le faire en cachette. Il passait déjà suffisamment pour un faible trop sentimental. Mais il était un humain, une espèce sociable pour qui l’empathie était essentielle pour sa survie et que seule une minorité était vile. Il était convaincu de cela.

Ses bons services, ses bonnes connaissances ainsi que son travail acharné lui valurent d’être sélectionné par Athel, le jugeant digne de devenir un potentiel favori. Ainsi il le présenta à l’héritier. Et il fut accepté en tant que tel à sa grande surprise. Si l’héritier avait su ses positions au sujet des esclaves. Pourtant Yaggit n’était pas totalement opposé au clan. Il était d’accord avec les principes de respect du vivant et le rejet de la vie dans l’opulence qu’il considérait comme une source de tous les vices.

Puis vint le moment où Yaggit fut choisi pour devenir un vampire. Il avait beaucoup d’appréhension, mais Athel fut là pour l’épauler. Il allait enfin faire parti de sa famille et prendre le nom de Nethergold comme chaque vampire qu’il avait engendré. Comme pour les esclaves, ces derniers n’avaient pas besoin de liens de sang pour se considérer comme une famille. Yaggit allait mourir, pour renaître en tant que vampire. Il aurait le pouvoir d’un Newind, celui de se transformer en animal. Sans doutes qu’il deviendrait une panthère comme son ancien maître. Sa vie d’humain s’achevait dans la souffrance et en même temps, il sentait que Nisaba pâtissait également du rite. Puis plus rien.
Yaggit se réveilla en Hippotrague noir, une antilope. Il peinait à se lever, il avait un peu le tournis. Ses jambes flagellaient telles celles d’un faon. Mais Yaggit se retrouva rapidement sur ses pattes. Un peu plus loin, il vit Nisaba qui s’empressa de le rejoindre. Il commença à marcher, à trotter, puis il passa au galop. Tandis qu’il courrait à travers la forêt, il découvrait une nouvelle sensation, une chose qu’il avait perdue depuis des années à vivre comme un humain.

Maintenant, il n’était plus un esclave. Il avait gagné sa liberté. Mais à quel prix. Il se stoppa, soufflant un peu. Puis il tourna les talons en direction de la cité de Frégis. Il se mit à réaliser qu’il était devenu un monstre, malgré son apparence de proie. Yaggit avait gardé son collier en souvenir dans ses affaires. Comme une volonté de se souvenir de son passé d’esclave. Qu’un jour ce clan qui était le sien malgré lui l’avait traité comme un animal. Et que beaucoup d’humains vivaient encore parqués comme du bétail.

Les villages Nethergold n'ayant pas besoin d'herboriste supplémentaire, Yaggit eut la lourde décision de quitter l'endroit où il avait grandit et tout apprit pour s'installer là où on aurait besoin de lui. Les adieux ne furent pas forcément faciles, en particulier envers Athel et les habitants de son village principal auxquels il s'était attaché. Malgré tout, il devait prendre sa propre indépendance. Paré d'un léger paquetage, il regarda une dernière fois le petit hameau avant de prendre la route pour le sud.

Ses recherches le menèrent à un village Clirwelle au coeur des plaines de Vertgrison. L'installation ne fut pas des plus aisées en raison du côté bien plus procédurier du clan de vampires régnant sur la région. Durant ses premières années de vampire, Yaggit se nourrissait presque exclusivement de sang en bouteille avec de temps en temps des prostitués qu'il payait pour, se refusant de prendre un esclave. Le vampire fut confronté à des humains traités dans des conditions bien pires que celles du village d'Athel. Du moins, c'était le cas de ceux qu'on surnommait les rebus. Des esclaves qu'on n'arrivait pas à vendre ou qu'on ne voulait plus et qui étaient confiés à un contremaître vampire qui se chargeait de leur faire faire les travaux les plus pénibles, en particulier ce qui touchait à l'agriculture. De plus, on lui disait qu'on pouvait s'en nourrir jusqu'à les tuer sans avoir de soucis vu qu'ils appartenaient à personnes et qu'ils ne manqueraient à personne. Yaggit avait vu nombre de gueules cassées chez ces gens, des êtres détruits, jetés comme des déchets. Bien que détestant la manière dont les Newind traitaient les humains, les qualifiant de bétail, il constatait que chez les Clirwelle, c'était guère mieux, du moins, concernant certains contremaîtres sur les rebus.

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Il arrivait à Yaggit de prendre un peu de temps libre pour soigner bénévolement les rebus, leur apporter un peu de chaleur dans ce monde froid. Cela lui avait valu des critiques et des regards de travers de la part des autres vampires. Bien que certains Clirwelle plus fidèles à la philosophie du clan semblaient avoir un peu de respect pour ses actes Il avait finit par commencer à connaître un groupe en particulier dont il voyait malheureusement les membres changer bien trop souvent. Beaucoup disparaissaient pour être aussitôt remplacés par des nouveaux. Et pour quelques uns ayant trouvé un maître les acceptant malgré leur défauts, combien étaient morts de maladie, épuisement, crise cardiaque ou tués par un vampire. Et même dans le cas de la première option, c'était pas toujours une bonne chose. Un beau jour, il remarqua parmi les rebus de son village, un enfant d'une dizaine d'années. Un gosse silencieux et craintif. Le corps de celui-ci était déjà ravagé par des mauvais traitements, comme celui du vampire il y avait des années. Ce gamin avait peu de chances de vivre bien longtemps, à moins qu'il ne trouve un maître. Ce fut ce jour-là que Yaggit décida enfin à sauter le pas et il acheta l'enfant une bouchée de pain.

Il fallut beaucoup de temps pour que l'enfant prénommé Zab ne finisse par lui faire confiance. C'était un des rares mots que celui-ci avait réussi à dire non sans difficultés. Car ce dernier était majoritairement muet, résultat d'un traumatisme lié à ses mauvais traitements passés. Yaggit faisait la majorité du travail, prenant en compte le fait qu'il avait été un esclave et que cet humain qu'il se refusait de qualifier ainsi n'était encore qu'un enfant. Zab faisait tout de même un peu de ménage et aidait à ranger la boutique. Cependant, Yaggit se refusait à prélever du sang sur un enfant, et continua à se payer du sang en bouteille et les services de prostitués. Au fil des années, le vampire sentait un manque de son territoire d'origine. Il voulait revoir la forêt qu'il avait connu durant son enfance. Même si son clan traitait les humains comme du bétail, c'était pas le cas de tous. Il repensait à son ancien maître qu'il n'avait pas vu depuis des années. Chez lui, il ne traiterait pas les humains sous son autorité comme des esclaves et surtout ses inférieurs.

L'occasion se présenta quand Zab atteignit ses treize ans, Yaggit quitta le village après avoir vendu sa boutique à un médecin Clirwelle, il finit par trouver une place au sud de la forêt dans une modeste hutte primitive avec des murs en argile naturel et un toit en feuillages trouvés dans son environnement. Faute de pouvoir construire une nouvelle société égalitaire, il commencerait par sa propre utopie avec Zab comme premier humain libre. Pour construire cet abri primitif, il avait mit à profit ses connaissances d’ancien esclave ainsi que de l’aide de la part de Zab. Son logis comptait que deux pièces, une qui allait servir pour l’accueil des clients et à stocker ses remèdes et les ingrédients pour. L’autre serait l’espace de vie pour lui et Zab, avec un foyer pour cuisiner, des nattes pour s’asseoir et des hamacs pour dormir. Pour se laver, ils avaient une bassine dehors et cherchaient l’eau à la rivière. Un confort des plus modestes, mais en accord avec la philosophie Newind que Yaggit ne rejetait pas totalement malgré le fait qu’il soit toujours aussi dégoûté par la manière dont ils traitaient les humains. Yaggit avait également adopté un chien de race Xolo connu pour être sans poils pour garder son logis et prévenir des dangers et visites par ses aboiements. Yaggit s’était organisé au mieux afin de répartir le plus équitablement les tâches entre Zab et lui. Pas question pour lui d’être une espèce de créature oisive. Il ne voyait pas l’humain comme un être inférieur, se rappelant encore qu’il avait été dans la même situation que lui.

Vers les quinze ans de l'humain, Yaggit fit appel à un tuteur afin de lui apprendre à lire et à écrire, ayant des difficultés à assurer cette partie de l'apprentissage de son protégé malgré, contrairement à Athel. Malgré les difficultés qu'éprouvait Zab, il avançait à son rythme.

Les principaux clients de Yaggit venaient des villages en lisière forêt, mais également de villages Clirwelle frontaliers, bien que sa cahute soit difficile d’accès. En même temps, il était un peu un des rares apothicaires du coin, donc médecin. Pas étonnant qu’il ait un peu de monde. Les villages du Sud n’étant pas sous contrôle du duc Nethergold, l’homme avait du demander des autorisations. Chose qui lui fut accepté facilement, les Newind n'étant pas vraiment procéduriers.

La mort du Prince Mihal n’émouvait pas vraiment Yaggit. Après tout, c’était bien celui-ci qui avait mit en place ce système qui réduisait les humains à l’état de bétail par un être s’étant cru juge impartial des hommes et de la nature. Comme si la Nature elle-même lui avait rappelé que même un vampire, un Prince qui plus est n’était lui-aussi qu’un élément à ses yeux. Son clan aurait put voir sa mort comme un avertissement pour leur comportement vis-à-vis des humains, mais il n’en fut rien. Les héritiers se succédèrent et rien ne changea. Ils n’avaient aucun intérêt à ce que ça change. S’ils perdaient leur bétail, ils allaient devoir galérer à chasser…un peu comme des animaux. Cette ironie faisait doucement rire Yaggit qui soulignait l’hypocrisie de son propre clan. Ces genres de pensées, il évitait de les partager avec sa famille adoptive, mais il le faisait avec Zab et Nisaba qui étaient ses confidents. Il était conscient que ça serait un dialogue de sourds avec eux. Cela faisait des années qu'il ne les avait pas vu.

Zab avait désormais atteint la vingtaine. Yaggit avait commencé à boire son sang vers ses dix-sept ans, mais il le prélevait au couteau, utilisant tout de même un remède à base de sa salive pour aider à la cicatrisation de la blessure de l’humain. Et il se sentirait sans doutes moins seul à penser une telle chose. L’ouverture du Tunnel Eternel, et la multiplication des échanges avec les Tarak eut un accueil différent pour Yaggit contrairement aux autres membres de son clan. Là où beaucoup méprisaient ce clan et cette idée folle d’avoir des humains libres et une société plus égalitaire, le vampire-antilope avait de l’admiration pour eux. Il cherchait à en savoir le plus sur eux en demandant aux divers clients qui passaient ce qui le fit passer au fil des mois pour un peu plus fou. Pas de doutes, le monde allait changer, peut-être pas tout de suite, mais Yaggit aurait sans doutes le temps de le voir. Même si c’était encore à l’état de rumeurs colportées par des marchands, le médecin voulait y croire. Les Tarak prouveraient sans doutes à son clan, que les humains pouvaient vivres libres sans s’en prendre aux autres êtres vivants. Un point positif de son immortalité. Il rêvait de voir ce monde pourri finir par changer. En attendant, ça lui avait donné une raison de continuer à vivre. Ainsi que ce qu’il avait construit autour de lui et l'aide qu'il apportait aux autres de par son métier.