Physique

Je n'ai jamais été très grande. On m'a souvent dit que j'aurai une poussée de croissance lorsque j'approcherais de ma majorité, mais visiblement, on m'a menti. Enfin, ma petite taille ne me dérange pas, bien au contraire. Je ne suis pas de ceux qui se dressent, fiers pour dominer la foule, mais bien plutôt des petites fouines qui profitent de leur petite taille pour se faufiler sans se faire voir. Enfin, sans se faire voir, pour moi, c'est un grand mot. Même si ma petite taille me rend discrète, ce n'est pas le cas de mes cheveux.
Un jour, un vieil aveugle m'a dit que Tyweel lui-même avait déposé un brasier sur mon crâne. Ce qui est drôle, c'est que je n'ai jamais su comment il avait fait pour savoir que mes cheveux étaient roux. Mais il avait raison sur un point. Lorsqu'on regarde mes cheveux à la lumière, les reflets donnent l'impression de voir des flammes vivantes. J'en suis très fière, et je tiens beaucoup à mes cheveux. C'est un peu ma marque de fabrique, au même titre que mon regard azuré. Leur éclat ressort d'autant plus qu'il est en parfait contraste avec le rouge orangé de mes cheveux. Le vieillard d'avant a également dit que comme Tyweel avait déposé son brasier, Serena avait glissé dans mes yeux deux océans miniatures. Drôle de bonhomme, franchement.

Mis à part ces caractéristiques bien visibles, je possède un corps assez menu. Même si je suis bien nourrie, j'ai du mal à prendre du poids. Sauf au niveau des hanches. Je dois avouer que j'ai des petites poignées d'amour à cet endroit. Ma musculature est assez fine, et pas du tout au niveau de ces autres gens qui passent leur vie à s'entraîner. Sans être dépourvue de force, je reste tout de même dans une moyenne bien établie. Non, ce n'est pas la force mon véritable atout. Mais bien plutôt ma souplesse.
Elle faisait presque peur à mes parents. Ils pensaient que j'étais dépourvue d'articulation. Et c'est vrai que ça peut sembler étrange au début, mais j'arrive à me contorsionner et à prendre des positions plus inattendues les unes que les autres. Un peu moins depuis mes 16 ans et que mes formes ont décidé de sortir. Mais j'y travaille ! Et puis je n'ai pas taaant de formes que ça si je me compare avec d'autres femmes.

Oh, maintenant que j'y pense. On m'appelle le Petit Chaperon Rouge. Ce n'est pas très compliqué à savoir pourquoi. Je porte très souvent une cape et un capuchon rouge. C'est ma mère qui me l'a faite, et même si elle est déchirée à quelques endroits, je la garde. Et je pense que je vais toujours la garder.

Psychée

S'il existe une réalité qui dépasse le rêve, c'est ceci : Vivre. Et pour quelqu'un comme moi qui adore rêver, ça veut dire que la chose la plus importante, c'est de vivre. La vie, ça n'a pas de prix. Mais ça ne m'empêche pas de m'imaginer en princesse guerrière, pourfendant moult créatures fantastiques pour délivrer mon royaume imaginaire du méchant mage noir ! Je sais, c'est un peu idiot. Mais j'ai gardé mon âme d'enfant, et j'y tiens.
La vie est cruelle, et il faut savoir s'éloigner des mauvais moments. Rire, boire, chanter, rêver. Il existe tant de moyens d'esquiver les mauvais sentiments. Mais je ne suis pas naïve. Je sais qu'ils restent là où ils sont, tapis dans les ombres de notre esprit, et qu'ils attendent le pire moment pour resurgir. Telle est la cruelle vérité de nos pauvres vies mortelles. Mais si nous devons tous mourir un jour, alors pourquoi craindre ce moment ? Pourquoi s'enfoncer dans un tourbillon d'incertitudes ? Autant profiter pleinement de ce qu'on nous offre et n'avoir aucun regret lorsque la délivrance de la mort vient à nous.

Nous devrions tous n'avoir qu'un seul souhait. Mourir, avec le sourire aux lèvres.

Mais mourir, ça reste quand même triste. Alors il faut faire en sorte de mourir le plus tard possible. Car il y a tant de choses à découvrir dans ce monde qui nous a vu naître. Est-ce que vous vous êtes déjà demandé pourquoi telle chose est rouge, et une autre bleue ? Pourquoi une orange est acide, alors qu'un morceau de viande ne l'est pas ? Je ne suis pas assez intelligente pour trouver seule la réponse à ces questions.
Mais je sais que d'autres le sont. Et que la plupart transmettent leur savoir par les livres. Mon père m'a appris à lire alors que j'étais jeune, et depuis, à chaque fois qu'une occasion se présente, j'ouvre un livre, et je découvre le savoir à l'intérieur avec passion. Mais, plus que de découvrir le monde à travers les écrits, j'aime le découvrir de mes propres yeux. Un jour, je gagnerai ma liberté. Je foulerai chaque parcelle de terre, et naviguerai sur tous les océans du monde.
Qui sait ? Je croiserai peut-être d'autres peuples, d'autres cultures, d'autres savoirs. Mais en attendant ce jour, je m'évertue à survivre en tant qu'esclave. Je n'en veux pas aux vampires. La nature est faite ainsi. D'ailleurs, pourquoi les vampires ne se nourrissent que de sang ?

Je suis née par curiosité. Y a-t-il une meilleure raison de naître ?

Histoire

Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux.

Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !

Je ne m'en souviens pas, car...Eh bien, on ne se souvient pas vraiment de notre naissance, c'est normal. Mais ma mère m'a raconté. Le soleil croisait la lune dans le ciel. Tout l'horizon s'était teinté d'une lueur flamboyante, et on pouvait entendre au loin le chant des oiseaux. Je pense que c'est inventé pour rendre ma naissance toute belle. C'est trop beau pour être vrai. Mais, je me plais tout de même à me dire que c'est vrai, et que le monde s'était préparé à ma venue.
Quoiqu'il en soit, on ne peut pas vraiment dire que j'ai eu une enfance heureuse. Bien entendu, j'aimais beaucoup mes parents, et surtout ma grande sœur, avec qui je passais le plus clair de mon temps. Mais nous étions dans la misère. Le maître de mes parents ne s'occupait pas vraiment de nous, et il ne nous donnait que le strict minimum pour survivre et être "en bonne santé", selon ses propres critères. Pour moi, avoir la peau sur les os, ce n'est pas vraiment être en bonne santé. C'est donc à partir de 6 ans que j'avais commencé à m'éclipser pour aller discrètement voler quelques denrées. J'allais également chercher dans les marais des choses comestibles. Autant vous dire que je rentrais souvent bredouille. Mais parfois, je tombais sur de bonnes choses. Bien entendu, je ne m'éloignais jamais vraiment de la ville. Je n'étais pas suicidaire. Je ne le suis toujours pas d'ailleurs.
D'ailleurs, c'est lors d'une de ces excursions que j'ai rencontré Flamme. Je n'ai jamais compris ce qu'un renard faisait dans un marais. Je sais que c'est une bête qui peut s'adapter à des milieux très variés, mais un marais, c'est quand même rare. Et c'est dans ces moments là que je me dis qu'il existe peut-être une destinée.
Je cherchais des champignons ou toute autre chose comestible. Tous mes sens en éveil, au cas où j'entende quelque chose aux alentours. Il fallait que je fasse très attention. Un bruissement de feuille, une branche qui craque, un frémissement dans un buisson, un clapotis dans l'eau croupie. N'importe quoi qui pourrait m'alerter de la présence d'autre chose. Mais ce jour là, ce n'était rien de tout ça. Je n'avais rien entendu. Rien vu. La tête penchée au dessus d'une souche pour l'observer, j'avais redressé mon regard, et il était là. Il me fixait, et je le fixais en retour. Tout autour de nous semblait avoir disparu, il n'y avait que lui, et moi, dans un monde figé. Et vous savez, c'est ce genre de sensation étrange...Quand on sait, sans trop savoir pourquoi. Je ne saurais pas dire combien de temps nous avons passé, immobile, à nous observer, dans un silence religieux. Je n'osais pas bouger. Et s'il fuyait ? Et que je ne le revoyais plus jamais ? Mais il baissa la tête. Comme s'il s'inclinait pour se présenter à moi. Je m'agenouillais alors, ouvrant les bras, pour l'accueillir, sans geste brusque. De ses petites pattes noires, il avança vers moi. Il était beau. Son pelage roux était aussi flamboyant que ma chevelure. Il enfonça son museau dans le creux de ma main. Et là, à cet instant précis, j'en étais finalement sûre. Je passerai le restant de ma vie avec lui. Flamme. Son nom était apparu comme une évidence dans mon esprit.

Petit renard mon renardeau
Éloigne-toi de ce village
Où quelques retraités rougeauds
Voudraient t'arracher le pelage

Éloigne-toi de mon voisin
Qui a perdu quatre lapins
Et qui attend le jour la nuit
Avec sa hache et son fusil

Éloigne-toi des citoyens
Avec leur bouteille et leur chien
Leur nez rouge et leur gibecière
Prêts à jaillir de leur tanière

Petit renard tu es si beau
Couleur de sable et de gâteau
Abandonne ton air triste et morose
Je suis là, je me nomme Rose.

C'est ainsi que j'ai ramené mon beau renard à la maison. Mes parents étaient ravis, ma sœur jalouse, et notre maître... Pas très content. Il faut dire qu'il ne m'appréciait pas du tout. Pour lui, je n'étais bonne à rien. S'il me gardait, c'était uniquement pour mon sang, contrairement à ma sœur, qui savait tout faire, mais qui n'était pas à son goût. Néanmoins, à l'âge de 10 ans, j'ai appris que notre nourriture pouvait influer sur le goût de notre sang. J'en avais marre de servir de boudin sur pattes. J'ai commencé à manger tout ce qu'il y avait de plus horrible sur terre. C'était horrible pour moi, mais ça l'était aussi pour mon maître. Enfin, du moins, c'est ce que je pensais au début. Les premières fois, il avait tiré une tête de dégoût, mais c'était uniquement sous le coup de la surprise. Mon sang était peut-être moins agréable ainsi, mais il n'en restait pas moins supérieur aux autres.
Je n'espérais qu'une seule chose. Qu'il trouve un autre esclave avec un sang au moins aussi bon que le mien, et qu'il me lâche un peu la grappe. Mais bien entendu, ça n'était pas arrivé. Il continuait donc de se nourrir, encore et encore. Je le remercie encore aujourd'hui pour une seule chose. Il n'a pas vraiment abusé de moi. J'étais fatiguée, à force de me faire prendre mon sang, mais il faisait toujours attention à ne pas m'en prendre trop. Il connaissait la limite. C'est bien peu, me direz-vous, mais pour moi, c'était déjà beaucoup...

Il me semble parfois que mon sang coule à flots,
Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.
Je l'entends bien qui coule avec un long murmure,
Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.

A travers la cité, comme dans un champ clos,
Il s'en va, transformant les pavés en îlots,
Désaltérant la soif de chaque créature,
Et partout colorant en rouge la nature.

Je m'imaginais déjà passer toute ma vie à ses côtés. Me faire mordre, et n'être au final qu'un contenant sanguin aux yeux de tous. Ma vie allait-elle se résumer à cela ? Il y a à peine quelques mois de cela, le destin m'a prouvé que non. Ma sœur avait été vendue, et elle était partie pour le clan Iona. Les adieux avaient été larmoyants. Je ne la reverrai peut-être plus jamais. Peu de temps après, mon père était tombé malade. Cela n'avait pas été mortel, mais il avait pris un coup. Ils commençaient à se faire vieux, et moi, bien qu'étant devenue une jeune femme, je ne leur étais d'aucune aide. Et pour cela, je m'en voulais. Je m'isolais souvent avec Flamme à mes côtés. Pour réfléchir, rêver, et être tranquille. Notre maître avait comblé l'absence de ma sœur en achetant un autre esclave, nommé Rorick. Un nom de rustre. Je ne l'aimais pas. Il est très vite devenu favori. Et à ce moment là, il était insupportable. Il se vantait déjà, promettant de me récupérer en tant qu'esclave, afin de devenir son met favoris. Que ce soit gustativement, ou...autrement. Je ne vous ferai pas de dessin. Non vraiment, je ne l'aimais pas. Pas du tout. Il est en effet devenu vampire par la suite. Mais son sevrage s'est très mal passé. Il a tué. Plusieurs personnes. Dont son Père. Notre maître. Ce jour là a été terrible. C'était la panique. Et au final, il a du être exécuté. Franchement, ça me soulageait d'un poids. J'espérais follement réussir à acquérir ma liberté suite à la mort de notre maître, mais...Ce n'est pas ainsi que ça fonctionne dans notre monde.

J'ai prié le glaive rapide
De conquérir ma liberté,
Et j'ai dit au poison perfide
De secourir ma lâcheté.

Hélas ! le poison et le glaive
M'ont pris en dédain et m'ont dit :
" Tu n'es pas digne qu'on t'enlève
A ton esclavage maudit,

Imbécile ! - de son empire
Si nos efforts te délivraient,
Tes baisers ressusciteraient
Le cadavre de ton vampire ! "

Suite à cela, mes parents ont été récupérés par un autre maître Atlach. Et moi...Je suis en vente. Et j'attends toujours le jour où mon rêve de liberté, deviendra enfin réalité.

“Ma seule liberté est de rêver, alors je rêve de liberté.”