Physique

Comme la plupart de ses congénères, Imshael est un bel homme, et il le sait parfaitement bien. Perché à un peu plus d'un mètre quatre-vingt, ce dernier est plutôt mince et est pourvu d'une musculature fine et plutôt discrète. Son visage, presque émacié, dégage un charme froid renforcé par le contraste entre ses cheveux sombres et ses yeux d'acier. Seul souvenir véritable de son passé humain, une fine cicatrice lui barre les lèvres, vestige d'une époque où un simple humain était capable de le blesser pour des choses aussi futiles qu'un désaccord sur le prix d'une breloque.

En tant que Prince Vampire, Imshael sait se tenir, et en tant que le plus classieux des Princes Vampires – selon lui – Imshael est un modèle d'élégance. Ses attitudes sont sobres et flegmatiques, sa démarche est mesurée et son port toujours altier. Frisant parfois la théâtralité – surtout en bonne compagnie – ses mouvements sont emplis d'une superbe tantôt hautaine, tantôt fanfaronne, et il fait ainsi de son mieux pour que nul ne puisse l'ignorer sans pour autant se donner en spectacle.

En ce qui concerne sa façon de s'habiller, il va sans dire que le Prince y accorde une attention toute particulière. L'apparence a bien plus de valeur que beaucoup ne semblent le penser, estime-t-il, et il ne manque pas d'appliquer ce précepte à le lettre. Il est ainsi toujours richement vêtu, comme pouvaient l'être les rois et reines d'antan, à ceci près qu'il tient à être relativement libre de ses mouvements. Il adoptera souvent des tenues habillés et pâles, blanches ou grises, à la coupe travaillée voire même innovante, quitte à s'attirer des regards étranges de la part de ceux qui ne connaissaient pas les meilleurs couturiers de leur époque et qui s'habillaient encore comme au temps d'avant la Lune Noire.

Psyché

Lorsqu'il était encore un simple humain, Imshael était un grand baratineur, autant en amour qu'en affaire, et une profonde ambition brûlait déjà en lui. Lorsqu'il eut l'honneur d'être transformé par la Matriarche, ces traits prirent alors une dimension inédite et vertigineuse qui faillirent bien lui coûter son sens de la mesure, ainsi que sa vie. Aujourd'hui, il a appris à les dompter, en quelque sorte.

Le pouvoir, Imshael l'aime. Il aime lutter pour l'obtenir, il aime l'exercer, mais plus que tout, il aime l'idée de l'avoir. Ce fut lui le premier qui nomma ses enfants Ducs et Duchesses et qui s'appela Prince, et ce fut lui qui parvint à convaincre ses frères et sœurs, ainsi que leur Mère, que tout n'était pas à jeter dans le système féodal des humains, et qu'ils seraient tous heureux en tant que dirigeants, tels des rois et des reines. Cette décision, il ne la regretta pas un seul instant de sa longue vie, malgré tous les soucis que cela avait fini par lui apporter.

Car un dirigeant ne se contente pas de se reposer sur son trône avec une esclave à genoux devant lui. Pas s'il souhaite le rester en tout cas. Il fallait intriguer, trahir, combattre et ruser pour pouvoir garder son poste, surtout face à ses frères et sœurs parfois plus aptes à la guerre et au combat que lui. Imshael, lui, se plaît tout particulièrement dans les jeux d'influences. Complots, rumeurs, vols espionnage et disparitions, voilà quel est son terrain. Il retourne les esclaves de ses rivaux contre eux et se nourrit de leurs luttes intestines. Aucun coup n'est trop bas pour le Prince de Iona, et aucune victoire trop chère payée, du moment qu'il peut l'obtenir.

Autant que possible, il choisit ses combats. Les traditions le poussent parfois à participer à un tournoi que son champion n'est pas en mesure de gagner, et il fait alors mine d'accepter la défaite avec un sourire, mais en secret, il entraîne un autre champion pour l'année suivante, un qui sera certain de remporter la victoire, une victoire dont il aura fait monter les enjeux au préalable. La clef de la victoire, c'est de l'acquérir avant même le début du combat.

Bien sûr, des défaites, il en avait connues, et il en connaîtrait encore, mais il a l'avantage de ne pas avoir l'orgueil mal placé. Le temps joue pour lui, et Imshael l'avait toujours su. En outre, il estime ne rien avoir à prouver, et il n'a par exemple aucun soucis avec ses origines modestes. Quand d'autres dans sa famille s'inventent des origines nobles voire même mystiques, ou bien se contentent d'ignorer la question, Imshael n'hésite jamais à avouer son passé de simple marchand, tout en rappelant à qui voulait l'entendre que ses frères et sœurs ne valent pas mieux.

Il fallait bien toute cette dose de patience et de ruse pour parvenir à ses objectifs, car le Prince en avait beaucoup. La valeur sacrée de son clan est celle des émotions, et en tant que Premier vampire d'Iona, il ne pouvait lutter contre elles. Ses désirs étaient changeants, ses envies inconstantes. Il voulait se divertir, conquérir, aimer, posséder, ou même parfois perdre et souffrir. Après toutes ces années, il aimait pouvoir ressentir quelque chose de sincère et de profond, et il a ainsi rapidement tendance à tout transformer en un jeu qu'il fait alors tout pour gagner.

Parmi les jeux qui lui plaisent, celui de la séduction est bien évidemment l'un de ses préférés. Il aime plaire et il aime le sexe, aussi passe-t-il un temps non négligeable de sa vie de vampire à tenter de séduire, qu'il s'agisse de ses congénères ou d'humaines. Parfois, pour s'amuser un peu, il se met en tête de conquérir un homme, mais il se lasse bien vite une fois son objectif accompli : seul le jeu l'intéresse. De même, il ne se laisse pas museler par les tabous, et il a par exemple plusieurs fois franchi celui de l'inceste, l'un des rares qui subsiste chez les vampires. Il a fait de son mieux pour garder ça secret, mais il n'ignore pas les rumeurs qui peuvent encore circuler sur lui, quand il n'est pas là pour les entendre.

Durant sa longue vie, il a tout essayé : l'amour romantique, le sexe bestial, le viol, la cruauté, la passivité, la faiblesse, le chantage, la tendresse, etc. Aucun vice ne lui a échappé, chaque forme de sexualité a été explorée jusqu'à ce qu'il détermine ce qui lui plaise véritablement, ce qui parvenait à durer malgré les siècles.

La domination. Ce qu'Imshael aime plus que tout dans le sexe, c'était le contrôle, le jeu d'autorité qu'il pouvait avoir avec sa partenaire. Il aime qu'elle lui appartienne entièrement, mais plus que tout encore, il aime la conquérir. Une esclave docile et complaisante l'amuse un certain temps, mais ce qu'il apprécie véritablement, c'est d'imposer sa volonté à un esprit rebelle, non pas par le viol ou la cruauté, mais par un lent processus de domination dans le but d'obtenir une soumission non seulement consentie, mais nécessaire à l'esclave.

Une esclave désobéissante était punie, une esclave obéissante était récompensée, c'était aussi simple que cela, et il en allait de même pour ses congénères ou ses enfants. Imshael s'estime être un dirigeant plutôt juste, ou tout du moins, sans la moindre once de cruauté. La souffrance pour la souffrance ne l'intéresse pas et fait même partie des rares choses qui le répugnent. S'il lui est arrivé de nombreuses fois de briser des vies entières et de trahir d'autres vampires, il fait malgré tout de son mieux pour minimiser ce genre d'événements, et en retour, il accorde une grande valeur à la loyauté et n'est pas avare en récompenses.

Voilà le genre de vampire qu'était Imshael. Le destin du Haut-Levant lui importait peu, en définitive. Le plus important était qu'il puisse continuer à vivre sa vie et à s'amuser.

Pouvoir

En tant que Prince Vampire de Iona, Imshael fut le premier à découvrir les pouvoirs liés aux émotions, et son éventail de capacités reste très large aujourd'hui encore. Sans être aussi doué qu'un vampire maniant une seule et unique magie, le Prince n'en reste pas moins un mage doué, d'autant qu'au fil des siècles, il a fini par apprendre comment les utiliser de la façon la plus fine et efficace possible.

Parmi ses nombreuses capacités, on remarquera en premier son charisme surnaturel, comme chez beaucoup des membres de sa famille. Même parmi les autres vampires, il a tendance à attirer les regards et on peut parfois être tenté de suivre ses directives par simple envie de plaire à un homme avec tant de prestance. Dans les faits, ce n'est pas un pouvoir si utile que cela, et avec un minimum de volonté et de prudence, même un simple humain pouvait lui dire non. Mais cela faisait toujours son petit effet lors d'une première rencontre ou d'une entrée théâtrale.

Imshael est également capable de lire les émotions de ses interlocuteurs. Il ne peut en déchiffrer qu'un faible nombre, pas plus de trois ou quatre à la fois, moins si ce sont de puissants vampires. En revanche, il sait très bien les déchiffrer : une émotion n'est jamais seule et est toujours entremêlée à plusieurs autres, chose que certains vampires peinaient parfois à comprendre. Ainsi, il pouvait presque toujours discerner une petite part de haine chez un visiteur mielleux, ou une pointe de désir chez une esclave réticente.

Tout cela lui était particulièrement utile lorsqu'il souhaitait utiliser un autre de ses pouvoirs : le contrôle des émotions. Il ne pouvait pas les contrôler à proprement parler : certains de ses enfants prétendaient pouvoir créer une émotion à partir de rien chez leur victime, et cela, Imshael en était bien incapable. Il fallait que l'émotion soit là, soit directement ressentie par son interlocuteur afin qu'il puisse la manipuler. Il pouvait calmer une peur, embraser un désir, apaiser une colère et enflammer un bonheur.

Et avec tout cela venait bien sûr le plaisir et la douleur. Là encore, son champ d'action était limité, il ne pouvait faire naître ni l'un ni l'autre et ne pouvait les museler que dans une certaine mesure. Mais il ne se privait pas d'utiliser ce pouvoir sur des esclaves – ou même d'autres vampires consentantes – avec lesquelles il voulait s'amuser. Celles qui aimaient la douleur pouvait être fessées ou fouettées plus longtemps que jamais, et celles qui lui désobéissaient étaient condamnées à voir le orgasme s'approcher mais toujours repoussé. Lors de la guerre, le contrôle de la douleur lui avait été d'une toute autre utilité, et il lui arrivait encore, de temps à autre, d'apaiser les souffrances d'un condamné, mais c'était bien rare.

Histoire

Sans la Lune Noire, l'histoire d'Imshael aurait probablement été beaucoup plus simple, et beaucoup plus courte. Cela aurait été l'histoire d'un marchand de breloques et de bijoux de qualité variable, marchant de villages en villages en quête d'une nouvelle vente, d'un peu plus d'or, d'un peu plus d'influence. Avec un peu de chance, il aurait pu devenir riche, ou tout du moins aisé, et épouser une belle jeune fille d'un bon parti, peut-être même une des filles d'un des seigneurs locaux, la plus jeune, celle qui n'avait aucun vrai poids politique. Il aurait alors vécu jusqu'à sa mort, de vieillesse ou de maladie, plus ou moins heureux, ses ambitions jamais atteintes mais un équilibre correct finalement trouvé.

Mais il y avait eu la Lune Noire. Ce jour là, il s'était arrêté dans ce petit village qu'il connaissait bien et avait pu vendre quelques breloques à quelques paysannes peu fortunées. Il n'avait pas réussi à se faire inviter chez sa maîtresse ce soir là car son mari était présent, aussi avait-il dormi à l'auberge, seul dans sa chambre. Puis ce furent les cris qui le réveillèrent et la vision d'une femme qu'il avait connue étant humaine, et qui ne l'était plus. L'avait-elle épargné parce qu'ils s'entendaient bien dans son ancienne vie ? Qu'il avait toujours été correct avec elle et qu'il lui avait même prêté un peu d'argent une fois ? Peut-être, peut-être pas. Les motivations et les sentiments de la Matriarche avaient toujours été difficiles à comprendre, car la Lune Noire l'avait transformée plus encore qu'elle n'avait transformé ses premiers enfants.

Incapable de lui échapper, Imshael avait été capturé et transformé. L'humain mourut cette nuit là, et le vampire naquit en fanfare. Aujourd'hui encore, le Prince n'arrivait pas à comprendre comment la Matriarche avait réussi à maîtriser toute sa horde de frères et sœurs. Un seul vampire nouveau né pouvait être une véritable plaie à contenir, alors d'une vingtaine d'enfants à la puissance aussi monstrueuse que ses frères et sœurs...

Et pourtant elle avait réussi, contrôlant leur soif de sang et la redirigeant vers les humains qu'elle souhaitait abattre. Il fallut un certains temps pour qu'Imshael ne remette les pieds sur terre et ne commence à utiliser ses pouvoirs avec intelligence. La Matriarche eut fort à faire pour lui faire passer son impulsivité et son goût démesuré pour le pouvoir. Mais lorsqu'elle y parvint et qu'il se montra plus raisonnable, il devint un élément essentiel au bon déroulement de la guerre.

Usant et abusant de ses nouveaux pouvoirs, il sema la discorde parmi les hautes instances humaines. Il retourna les femmes contre leurs maris, poussa de grand généraux à abandonner leur poste, la peur au ventre, il manipula des amis pour les faire s'entre-déchirer et il s'introduisit dans diverses guildes pour leur faire prendre des décisions contraires, sapant l'effort de guerre humain et coupant l'afflux d'or vers les classes dirigeantes. Il prit d'ailleurs un plaisir tout particulier à subjuguer la princesse du Royaume pour en faire sa premier esclave et ainsi précipiter la mort de son père, le roi Belmot III dont la tête tranchée signa leur victoire.

Il parvint même à convaincre nombre de ses frères et sœur, ainsi que la Matriarche elle-même, qu'il serait plus avisé de garder un système féodal similaire – pour ne pas dire identique – à celui des humains, afin d'asseoir leur domination de manière durable. Car ce n'était pas tout d'avoir gagné la guerre : il fallait encore trouver le moyen de le garder, le royaume. D'autant que le problème d'afflux en sang se posa au bout de quelques décennies, de nombreux vampires étant nés pour les besoins de la guerre. Ce fut son frère du clan Newind qui proposa en premier une gestion raisonnée des stocks d'humains, chose qu'Imshael accepta sans faire d'histoire : s'il voulait continuer à s'amuser, il fallait bien faire des concessions.

La mort d'une grande partie des enfants de la Matriarche laissa aux Princes et Princesses survivants de grands territoires à gérer, et Imshael hérita ainsi du Cap du Croissant qu'il ne tarda pas à transformer à son image. La région vivait, bougeait, et produisait plus que correctement. Malgré les efforts agraires du Prince de Iona, le Cap ne parvint jamais à égaler les Plaines de Vertgrison, de même que les mines de calcaires et de craies de la côte faisaient pâle figure à côté des roches dures de celles des Monts de Mistrallin. Son vin, en revanche, était inégalé, et la mer apportait son lot de victuailles. Sous sa gouverne, la région parvint à se tailler une place de premier ordre au sein des différents territoires du royaume.

Bien sûr, lorsque l'on parlait du Cap du Croissant, ce n'était pas à cela que l'on pensait en premier. Le Cap était avant tout synonyme de stupre, de luxe et de débauche, et tout cela était vrai. Les fêtes et les orgies battaient leur plein pour la moindre occasion, et il ne se passait pas une semaine sans que la région ne vibre au son d'une nouvelle orgie ou d'un nouveau festival. Les plus belles soirées se déroulaient au palais du Port-du-Roi, qu'Imshael avait passé sa vie à rendre plus glorieux encore que celui de Carmin. Sans doute aurait-il besoin de plusieurs vies d'hommes pour y parvenir, mais il s'estimait sur la bonne voie.

Tout cela nécessitait des tonnes d'or, d'où ses efforts constants pour rendre sa région plus fertile et puissante que les autres. Il faisait bon vivre au Cap, même pour les humains – enfin, d'une certaine façon – mais on y travaillait dur.

Du pain et des jeux, disaient les rois d'antan. Du vin et des orgies, répondit Imshael.

Et tout le monde était heureux.