Physique

Rotten mesure un mètre quatre-vingt-huit, ma peau jadis pâle est devenue mate à force de rester sous le soleil pendant ses longues années de labeur. Les cheveux brun, rasé sur les côtés, laissant une tignasse sur le haut de son crâne suffisante pour être empoignée sans grande difficulté. Les yeux châtains, une barbe façonnée d'un bouc soigneusement entretenu à tort d’une mauvaise habitude des époques où il était en vitrine, dans ce besoin d'être toujours impeccable pour la clientèle. Des cicatrices ornent son faciès, des coupures peu profondes qui pourtant marquent sa peau au fil des années qui s'écoulent. Quelqu'une sur la joue gauche, le nez, le lobe de l'oreille droite et sur la tempe gauche.

Un corps visiblement maintenue par le travail pénible, un cou massif, des épaules larges, un dos d'une musculature remarquable. Des bras et des jambes taillés pour les activités manuels, l'absence d'abdominaux qui fait tâche sur le tableau, pourtant cette condition physique, Rotten ne la cherche pas. Il subit le traitement qui forge son corps chaque jour de sa vie. De nouvelle cicatrice se révèle, des entailles profondes sur quasiment tous les membres de son anatomie, loin d'être une preuve de maltraitance des vampires, mais plutôt de la nature humaine mêlant jalousie et crainte.

Un tatouage à peine visible sur la cheville, une suite de numéro : 34-69-41.

Une chemise de lin, accompagnée d'un pantalon de la même matière, souvent des vêtements de très basse qualité, inutile de se soucier d'être salie par le travail assidu. Il y n'a rien d'élégant, mais elle reste pratique. Cependant, n'importe quoi peut suffire quand bien même la taille soit disponible à cause de sa carrure robuste.

En effet, la masse de Rotten est impressionnante à la vue d'un autre humain, qui semble frêle en comparaison. Il n'affiche aucune attitude agressive, pourtant il n'est pas rare qu'un homme ou une femme prennent peur à la vue de sa silhouette apparaissant soudainement dans leur champs de vision. Les vampires n'ont généralement pas la moindre crainte, cependant, ce schémas se répète comme avec la race humaine, une surprise éphémère qui se résulte souvent par une soumission ou une humiliation publique pour sauver les apparences.

Psychée

Un esclave au rebut n'a pas le luxe de choisir la manière d'appréhender ce monde. De nature calme, son sang-froid lui permet de survivre au quotidien. L'autorité des vampires est de loin absolu, défendre quelqu'un contre celle-ci n'a rien d'une action louable. Cependant, les interactions entre compères de la même espèce sont d'un autre ordre. Il faut défendre sa vie, mais celle des personnes plus jeunes, plus frêle qui découvrent ce monde injuste. Une idéologie qui vient de sa tendre enfance, d'une âme charitable qui l'a aidé à survivre. Un retour de faveur, tel une tradition.

Il n'est pas question de défier les vampires, néanmoins la raison s'apparente à du bon sens, pour une vie plus longue, loin d'être prospère ceci dit. Rotten n'a pourtant aucun désir de rejoindre les rangs des Favoris, espoir d'une vie meilleure. Une transformation est à son sens une abomination, la mort semble plus douce même de la pire des manières. Il se soumet à cette domination écrasante, quelque part dans son subconscient, une voix espère pourtant un jour que ses rôles s'inverse, même l'espace d'un instant.

Cet esclave doué de parole, n'a pas souvent l'occasion d'en faire usage. Des phrases formulées de manière peu complexe, confondues à tort par un comportement introverti. Il ne sourit que rarement, n'ayant connu les joies d'une vie plus agréable, l'unique cas actuel se résume à la viande "particulière" qui diversifie ses repas de temps à autre.

Une comparaison à un ours terrifiant pour les humains, à la peluche douillette pour les vampires. Il ne semble pas être une menace quant à son comportement passif. La colère est une émotion inutile, elle n'apporte rien de bénéfique. Pourtant, elle est bien présente, cumulée depuis des années, apparaissant à de rares occasions. La vue du sang crée une sorte d'excitation incontrôlable, un point commun avec ses créatures qui domine maintenant le monde qu'une différence flagrante sépare, boire et dévorer.

Histoire

Du bétail, notre vocation première. Un récipient capable de contenir, produire et sustenté les clients avides d'acquérir un nouveau produit. De choisir la manière de le nourrir, d'affiner son goût au fil des années. Un traitement d'apparence injuste, mais pourtant irrévocable instauré par leur domination écrasante. N'est-ce pas une chance d'être acheté pour être consommé ? D'être choisi pour vivre une vie de Favoris, d'espérer rejoindre les rangs supérieurs, en marchant sur les corps de nos compères pour gravir cette tour de l'oisiveté ? Une journée à ne rien faire, à se nourrir, de profiter des plaisirs d'une belle vie, une banalité pour un vampire, un rêve illusoire pour un humain.

J'ai vécu comme n'importe qui, de ma naissance à mes deux premières années, le visage flouté d'une mère prenant soin de son garçon. Je suis arraché à cette femme aimante, sans n'avoir jamais de souvenir heureux, uniquement de vivre selon les conditions qu'on m'impose sans vouloir connaitre mon avis.

Les années défilent, sans changement particulier à ma connaissance. Tels des troupeaux dans une étable, nous sommes amenés à vivre une vie de bétail, nourris convenablement pour devenir grand, fort et beau. Le concept de Favoris parvient à nos oreilles pour la première fois, d'un espoir qui bénit nos jours d'avoir la chance d'être un élu, inspirant à le devenir tel l'enfant naïf que je suis.

Ma carrure, mon visage, mon teint de peau relativement pâle réputé pour être un atout louable me permet d'espérer prétendre au titre de Favoris. La jalousie de mes compères œuvre en silence, profitant de ma faiblesse de nous croire unis, de nous savoir de la même espèce, de la même condition médiocre. Néanmoins, je ne suis qu'un obstacle à leur ambition, ainsi, munie d'une pierre affûtée par leur soin, il lacère ma peau en profondeur. Un produit incapable de marcher n'a rien de pratique disent-ils... Ce fut au tour de mon visage, défendu avec conviction de ne pas céder davantage à ses personnes sans scrupule qui me frappent à multiple reprise pour abaisser mes bras me protégeant mon faciès. Quelque entaille parviennent à s'immiscer à mon grand regret, je ne fais que repousser l'inévitable, mes forces m'abandonnent doucement et ils parviennent à s'immobiliser pour me rendre sans défend, fermant les yeux, larme à l'œil d'être aussi impuissant.

Un homme seul vint à mon secours, d'une rage sans pareille, cognant la figure des personnes qui m'entourent, hurlant à pleins poumons pour les faire fuir, attirant le regard des éleveurs qui s'occupent de nous. Ils finissent par fuir, avec un sourire sur le visage, satisfait de leur œuvre. L'inconnu ne me tend pas la main, d'une unique phrase sans me faire face, il disparaît dans la foule de bétail. "Tu n'as pas besoin de me remercier, j'agis de la même manière que tes agresseurs, comme je l'entend." J'en conclus qu'il cherchait une raison de se défouler sur quelqu'un, l'excuse parfaite s'étant présenté à lui, je ne peux pas lui en vouloir en vue de l'aide qu'il m'apporte. Ce n'est que bien plus tard, que j'appris d'autre bouche, qu'il répète le même schéma protégeant sans rien demander en retour les plus jeunes qui subissait des mauvais traitements. Ainsi que sa mort mystérieuse présumée, il avait littéralement disparu du jour au lendemain, sans laisser aucune trace.

Quelque années plus tard, mes cicatrices n'ont toujours pas disparu, tel un produit de bonne qualité loin d'être esthétique, je fus mis au rebut dans l'espoir qu'une personne désire se fournir pour pas chère des produits de seconde main. Le temps continue son cours, pourtant, jamais personne n'a eu l'idée de vouloir m'acquérir, je quitte finalement la vitrine des beaux quartiers, pour rejoindre ce qu'on nomme entre bétail, l'abattoirs.

Une vie sans lendemain, chaque jour c'est le sentiment qu'on partage, n'importe qui peut nous tuer sur un coup de tête, notre mort n'a pas de conséquence. Nous travaillons dans les fermes agricoles, probablement prévues pour engraisser le futur bétail. Une drôle d'ironie qui m'arrache un sourire nerveux la première fois que je cultive les terres. Notre repas est très loin d'être suffissent en vue de l'effort produit tout au long de la journée. Certains dévorent les récoltes pour survivre, mais ils n'ont jamais le temps d'en profiter bien longtemps, un vol est une mort assurée.

Ainsi, la survie se décident autrement, des corps humains à l'abandon, fraîchement desséché de leur sang jusqu'à la dernière goutte. Une aubaine, mais aussi un choix difficile de profiter des rares occasions comme celle-ci. Mâchouillant en silence, l'envie de vomir en dépit de la scène, fermant la bouche dans l'unique but de ne pas perdre ses calories durement gagner. Un jour, cela n'aura plus rien de ragoûtant, plus qu'une masse informe pour survivre.

J'approche de la trentaine, ma vie est toujours un calvaire, je travaille dans les fermes, j'ajuste parfois les jardins de noble en quête de manœuvre, d'un faible espoir que mon travail bien accompli compense ce visage peu reluisant à leur goût. Cependant, jamais personne n'a eu l'idée de me prendre sous son aile, d'un air hautain, ma colère grimpe, puis retombe comprenant ma place... Soumettre un vampire par la force, devenir un Favoris semble bien plus réalisable subitement. Un espoir que je rejette de manière virulente, devenir un monstre pour vivre ? Hors de question. Mais puis-je encore me nommer humain après tous ses sacrifices pour survivre ?