Physique

Quand faisant le service, aidant à quelques entretiens de maison, et habillée peu richement, ni même pour mettre en valeur ses traits, Leida est plutôt quelconque. Assez petite, peu de formes, des cheveux sombres descendant tout juste à ses omoplates, il n'y avait que ses yeux, d'un brun clair presque orangé, qui fascinaient. Ses lèvres, souvent soulignées d'un rouge à peine visible s'ornaient rarement d'un sourire. Trop concentrée à ses tâches, ou à l'Autre. Son nez, lui était agréable, petit, à peine relevé, assez harmonieux. Elle gardait un visage plutôt dans la rondeur, et ayant échappée aux disettes, ses traits n'ont pas été creusés par une enfance pauvre.

Cependant, lorsque l'intention n'est plus au simple service, mais à la mise en avant. Sa silhouette peut enfin se révéler. Jeune femme humaine, à la peau trop lisse. Et si les formes ne sont pas vraiment là pour attirer l'attention, elle reste si ce côté harmonieux. Rien ne dénote. Et toujours ses yeux, attirent le regard. Dans ses occasions, le doré se joints aux noirs de ses paupières et cils.

Ses mains, aux doigts fins sans être squelettiques rivalisent souvent de dextérité sur ses instruments, comme pour compenser la longueur de ces derniers qui n'a rien de particulièrement. Alors, accords deviennent arpèges. Et simples mains posées deviennent dansantes sur les instruments qui glissent sous son attention. Et quand la voix s'élève, les doigts se taisent. Haute et profonde en même temps, dans une tonalité qui sort des coutumes, elle ne cherche alors plus simplement le beau ou le parfait, mais l'harmonie qui atteindra. Qui fera ressentir ce qu'elle est.

Et si rien de tout cela n'est suffisant, alors son corps, souple et agréable, se mettra en mouvement. Mouvements erratiques et pensés, venant se faire s'entrechoquer dans un rythme connu seulement d'elle, les quelques bijoux qu'elle peut porter, chevilles et bras, avec de nombreux petits disques de métal, résonnant agréablement.

Mais c'est tout ce qu'il en est de son corps. Comme pour laisser à son ou sa future propriétaire le soin de décorer cette poche de sang d'un cru rare, rien n'avait été touché. Ni piercings, ni tatouages. Simplement, ce collier avec une chaine. Simplement, cette peau, attendant de saigner.

Psychée

Dévouée.

Elle se sait esclave, et elle sait aussi, tant on lui a répété, qu'elle le resterait jusqu'à sa fin. Trop précieuse pour être gâchée par l'immortalité. Trop précieuse pour être élevée à un autre rang. Pour autant, de cet espoir envolé, ou plutôt, jamais attrapé, elle n'en est pas tombée dans une sombre affliction. Son état, elle l'a embrassé. Et sa dévotion, l'a définie pendant toute sa courte vie.

Peut-être envie-t-elle par moments ceux qui ont eu la chance d'être plus libre. Qui ont eu la chance d'être élevés avec des familles. Qui ont eu la chance de connaître les joies des jeux, et les peines des pertes. Trop contrôlée dans son environnement, elle n'avait pour rêves que ses fenêtres donnant sur l'extérieur. Ceux trimant. Ceux mourant. Ceux riant. Et elle, observant, travaillant, répétant les mêmes gestes, les mêmes paroles.

Saignante.

Elle connait la valeur qu'on lui a donné. Au moins, lui avait-on répété, que son âge n'y ferait que peu. Et que même quand elle perdrait sa dextérité, sa voix, ou même son corps attirant, il lui resterait son sang. Lui, resterait vrai, et parfait jusqu'à la fin. Même si par moment, lui avait été modifié pendant une soirée, par diverses drogues qui la laissaient dans des états impossibles à décrire tant que variés, même si elle avait risqué une dangereuse accoutumance et dépendance, elle avait largement accepté la souffrance du manque, pour simplement récupérer sa base. Cette base qui ne la trahirait jamais. Ou toujours, selon le point de vue.

Elle aime servir, se sentir utile. Mais avec son éducation particulière, même elle ne pourrait dire où irait son allégeance. A celle ou celui qu'elle servirait, ou bien au groupes, Iona, qui seraient réceptacles éventuels des murmures qu'elle aurait appris. Où irait son âme, aux pieds de celle perçant sa peau de ses crocs, ou de ceux qui lui ont mis ses chaînes mentales si fortes.

Elle n'était pas la plus naïve, ni la plus bête. Elle avait même appris à lire, à écrire. Mais sa conscience était déjà bien trop construite dans ses liens sanglants pour qu'elle arrive d'elle-même à s'en défaire.

Curieuse. Envieuse. Dévouée et satisfaite de souffrir. Un étrange cocktail.

Pouvoir

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Histoire

Née pour saigner. Née pour les Saigneurs.

Leida faisait partie du résultat d'un élevage assez particulier. Organisé, maîtrisé, et orchestré par une petite poignée de vampire discrets, l'élevage n'avait pas été pensé pour avoir, ni les plus beaux ni les plus forts des esclaves. Ni les plus gentils, ni les plus cruels. Simplement. Ceux, aux meilleurs sangs. De nombreuses tentatives s'étaient produites alors, par des mélanges de ces lignées goûtues, et par écartement des rebus.

Et sur les perles qui convenaient aux plus fins crocs, avant même qu'une telle âme soit mise sur le marché, il y avait de nombreux autres tests. Sur les réactions aux drogues. Sur l'alimentation. Sur l'exercice. Tout était calculé, froidement, pour pouvoir ressortir de ce sang, le meilleur possible, le plus longtemps possible.

Qu'importait alors, les morts éparses. Pour Ceux-là, ils n'étaient que des chiffres sur une page. Qu'un goût sur leurs lèvres. Que des expériences à observer. Rapidement effacés par celles à venir. Mais enfin, l'appétit des Vampires avait été récompensée, par une petite poignée de nouveaux nés. Eux, dont le sang s'affirmerait avec la jeunesse, représentaient leur cru le plus fameux jamais offert. Dans leur esprit, ce qu'ils avaient étudiés avec plusieurs générations -qui ne vivaient pas bien longtemps- d'humains choisis, ils ne pourraient aller plus loin : le coût sur les humains deviendrait trop lourd, et ceux-là ne survivraient alors pas.

Quoi qu'il en soit, Leida faisait partie de ce pinacle sanglant. Si le sang avait la mémoire que l'enfant d'alors n'avait pas, il aurait simplement retracé le destin horrifique par lequel était passé l'ascendance. Entre ceux arrachés à leur mère, jugés comme inaptes. Ceux, drogués, affamés, trop repus, trop ou pas assez. Heureusement. Le sang, pour l'humaine, était silencieux : tant qu'on ne lui apprenait pas le coût qu'avait eu son existence, elle resterait ignorante.

Ignorante, mais non pas naïve pour autant.

Tout comme la poignée des autres perles sorties, elle avait alors grandi dans une ambiance particulière. Aux mœurs inculquées à même la peau, à même les os. Chacun avait eu leur spécialité.

Pour ces Mets Fameux, il ne s'agissait alors plus seulement de saigner pour leurs bons plaisirs, mais de présenter aussi. L'un s'était développé dans la peinture. Une autre s'était exprimée dans la cuisine, où le sang se mêlaient aux plats extravagants. Un autre encore, s'évertua de démontrer, très tôt, ses compétences pour la course, pour la chasse... Pour Leida, elle s'était concentrée sur son propre corps. Le chant, d'abord, où sa voix devenait invitation aux esprits, comme emprunte d'un mysticisme, dont la petite perle n'en était pourtant pas croyante. Puis il y eu la danse. Pour attirer le regard, pour exprimer là où les mots ne suivaient plus, où les vibrations de son organe vocale ne parvenaient plus à transmettre ce que son sang hurlait.

Mais la présentation n'était pas qu'une histoire de talent et de travail. Et même si l'enfance de ces tristes élus avait manifestement tourné autour de ces arts variés, ils n'en avaient pas été l'unique occupation. La présentation tenait aussi de la tenue du respect, des rôles. Ceux-là ne seraient jamais favoris, du moins, on leur avait inculqué cela très tôt. S'ils devenaient vampires, alors, tout ce travail, tout ce sang, serait perdu. Ainsi, ils n'avaient pour eux que l'entière dévotion envers les Saigneurs. Leur existence même, après tout, était dédiée à Ceux, Celles, qui les achèterait, pour leur forger cette nouvelle existence.

Ça avait été un élevage cloisonné. S'ils se mêlaient facilement aux autres esclaves, à la population humaine de façon plus générale, ils s'agissaient là souvent d'expéditions contrôlées par ceux qui avaient la main sur eux. Risquer une perdition soudaine, face à la réalité du monde n'était pas quelque chose de souhaitable. Et s'il n'y avait pas particulièrement de traitements mauvais, ou d'abus, pour ces perles rares, car gâcher leur sang était absurde, il avait fallu tout de même leur apprendre leur place, et à l'apprécier à sa juste valeur. Les exercices, cette dévotion tant de fois inscrite. Pour Leida, ça avait été aussi, de pouvoir se faire suffisamment discrète lors de services, pour écouter. Ou simplement, tirer d'autres murmures lorsque la confiance des corps s'exprimait. Il y avait eu aussi, et ce pour tous, semblait-il, quelques accoutumances à certaines drogues qui permettaient au besoin et à la volonté de leurs futurs Maîtres et Maîtresses, d'appuyer certains goûts que leur sang revêtait.

La jeunesse passa. D'abord, l'un fut vendu, à un autre Iona qui avait eu vent de cet élevage étrange. Contre un silence, et une participation curieuse, le destin de l'humain avait été tracé pour ce vampire presque longiligne. Un autre tomba malade, et si la guérison ne fut guère compliquée, le goût du sang, disait-on s'en était retrouvé changé. Était-ce simplement une raison évoquée pour s'en débarrasser, pour ne pas garder un esclave qui risquerait de ne pas valoir le coût investi... Leida n'avait jamais vraiment su la véritable raison. La cuisinière, dont les négociations avaient été entamées il y a plusieurs années, lors d'un rassemblement de vampires, fut assez facilement vendue à son tour.

Enfin, viendrait le tour de Leida. Il avait été décidé que la vente se fasse dans des circonstances particulières. Maintenant que l'élevage était sur sa fin, et que son secret avait été dévoilé, elle allait en être la perle finale. Une vente privée, vampires triés sur le volet, à la capitale.

Elle était faite pour plaire. Plaire, et saigner.