Physique

 

Les yeux sont le miroir de l'âme .

Disait une expression humaine. Ceux de Calanthe sont ceux de l'humanité, une humanité autrefois libre et prospère. Dans son regard brûle la flamme de jadis qui habitait en chacun. Mais le flambeau des Hommes ne brille plus à présent que d'une flamme vacillante. Dans ce regard intense aux teintes de Cognac survis les braises d'une humanité aujourd'hui prisonnière et en perdition.

Célèbre pour leurs yeux à l'hétérochromie si particulière, les Primis étaient connus pour cette caractéristique que l'on ne trouvait chez aucune autre famille connue. Calanthe partage les traits communs héréditaires et endémiques à sa famille. Traits désormais bien trop rares depuis l'arrivée des créatures de la nuit. Héritier d'un glorieux passé, menacer par un présent incertain son regard ardent est la braise de l'éternelle espérance humaine cherchant à tisser la trame de l'avenir jusqu'à ce que la toile représente une image qui leur soit favorable.

Mais cette espérance, les vampires aiment l'étouffer. Nombreuses sont les mains à la froideur cadavérique à s'être posées sur sa peau marquée par le labeur et les rayons assassins de Tyweel, dieu solaire. Dans la vaine expectative d'avoir le plaisir de voir le feu dans ses yeux se mourir. Gracile est sa silhouette et délicats sont ses traits. Sa peau est tannée, ses cheveux sont longs et sombres comme le glacial manteau de la nuit. Frêle et faible est ce corps mortel qui lutte pour sa propre survie. Cependant ce serait déconsidéré la résiliation de l'âme qui une fois embrasée sait donner à son enveloppe charnelle la force nécessaire de se battre.

Drapée d'une tenue grise comme la cendre, ses bras découverts et la naissance de sa poitrine sont les seuls centimètres de peau visible par les acheteurs. Parée d'atouts la mettant en évidence, son visage se voit serti de bijoux traçant ses pommettes et agençant sa sauvage chevelure tandis que ses doigts ornent des bagues sans grandes valeurs.

Psychée

 

La pierre ne sait pas pourquoi le burin la fend ; l'acier ne sait pas pourquoi la flamme le brûle. Lorsque ta vie est fendue et brûlée, lorsque la mort et le désespoir te rongent, ne te morfonds pas et ne maudis pas le destin, mais remercie les dieux pour ses épreuves qui ont forgé ton être.

Sa vie est un combat. Chaque jour est un nouveau défi, une nouvelle souffrance dans le but de sauvegarder les braises de l'espoir pour une nuit de plus. Tandis que le malheur corrompt le sombre cœur des hommes, la jeune femme s'attache à la foi. Si Serana Déesse de la lune donne sa force aux vampires, Tyweel, Dieu du soleil condamne les créatures de la nuit à faiblir sous sa divine radiance. Cruels sont les Dieux de ce monde, incompris sont leurs actes. Pourtant, l'incarnation du divin astre solaire est peut-être bien la clef dont l'humanité à tant besoin. Calanthe puise sa force et sa détermination dans sa foi en cette puissance supérieure. Si la jeune femme espère en son for intérieur voir l'humanité libérée de ses chaînes, elle ne porte pas son espèce dans son cœur. Car maudits sont ceux goûtant au sombre calice de la vie éternelle. Ceux sacrifiant leur part de lumière pour une vie de ténèbres. Pactiser avec le vampire est à ses yeux le plus grand des péchés. Elle sait l'humanité soumise et tenue en laisse. Elle sait les conditions de vie déplorables de certains de ses semblables cependant voir les siens s'entredéchirer pour le pouvoir et une place aux pieds des vampires l'écœure.

Il n'y a pas d'obscurité sans lumière. Si l'homme cache désormais ses émotions sous un masque de froideur, Calanthe les exprime sans gène. Car les émotions sont le propre de l'homme, si les vampires sont dénués d'empathie et de miséricorde ; l'humain dans sa forme la plus pure qui soit est un bon samaritain. Montrant l'exemple auprès de ses semblables qui daignent ne pas lui apporter une quelconque attention ; chaque échec, chaque déception ébranle sa détermination. Néanmoins, elle ne cesse de se relever, trouvant dans sa foi la force d'avancer. Si de l'amour dans son cœur Calanthe n'en a point pour les vampires, la croyante prend en pitié ces êtres damnés dont la vie ni la mort ne veut d'eux.

Son respect pour son père se veut éternel. Mentor et véritable boussole pour la jeune femme, il est l'artisan dont les préceptes l'on modelé. Bien que n'ayant jamais eu l'amour de ce père tant désiré, Calanthe voit dans le lien de croyant et de prêtre cet amour si ardemment désiré.

Pouvoir

 

Histoire

Fruit de nombreuses années d'effort et de tentative désespérée de procréation. Couvée d'une mère en mal de fertilité ayant perdu son premier-né une année seulement après sa naissance. La venue au monde de Calanthe fut un miracle aux yeux de ses géniteurs après tant d'efforts. L'avènement du divin enfant fut la source de toutes les réjouissances, mais aussi de toutes les souffrances. Il n'y eut nulle chaleur corporelle, nulle tendresse maternelle pour l'accueillir en ce monde. Car tandis que le nourrisson poussait ses premiers cris dans les bras de sa mère, celle-ci rendait son dernier souffle. Donnant la vie, mais la perdante en retour. Seuls les chaleureux rayons de l'astre divin caressant la joue de l'enfant purent être d'un quelconque réconfort. À défaut d'être réchauffée par sa mère, Tyweel le Dieu du soleil tendit ses doigts ardents pour soulager le nourrisson. Sous les murmures d'un père accablé par le chagrin, l'enfant fut confié à une nourrice. Élevée pendant cinq longues années, entourées d'enfants en manque de repère tout comme elle. Vendue à un autre marchand, la seule relique familiale fut une bague ornée d'un soleil. Bijoux sans la moindre valeur marchande, mais d'une valeur émotionnelle inestimable. Reliquat d'une mère qu'elle n'avait jamais connu, le présent offert par son père était chargé de paroles lourdes de sens. Des mots incompréhensibles pour un si jeune être, mais qui resteraient à jamais gravés dans son esprit.

Comme tout enfant humain, une éducation lui fut donnée. On lui apprit où était sa place dans la société de Thobor. On lui apprit qu'elle serait sa vie, qu'elle serait sa raison d'être. Sinistre était son avenir comme toutes âmes venant au monde sur cette terre. Avaient-ils le choix pour autant ? Non, bien sûr que non. Les histoires des temps jadis qu'on daigna leur conter étaient si éloignées de leur réalité qu'une telle chose paraissait fantasque. Son adolescence fût aussi tourmentée que celle de ses congénères, rythmées au gré des ordres, cris, douleurs infligées et interminables après-midi à attendre le regard dans le vide qu'une vile créature de la nuit fasse acquisition des objets vivants qu'ils étaient. Son physique particulièrement commun lui permettait de ne pas apparaître aux yeux des vampires. Laissant les étoiles humaines briller à sa place et s'en aller vers un enfer inconnu. Son regard, là résidait son atout. Là résidait son point faible. Détourner le regard, cacher celui-ci coûte que coûte. Le moindre échange de regard signifierait la fin du fragile équilibre qu'elle s'était construite. Le peu de temps libre qui lui fut permis était englouti par cette quête dévorante de vérité supérieure. Vérité qu'elle trouva dans les textes religieux. La perception du monde changea petit à petit. Les journées passées au marché à attendre un acquéreur dans le silence furent bientôt remplacées par des messes basses. Priant que Tyweel repousse l'échéance un jour de plus. Les jours devinrent des mois puis des années…
Ces paroles, c'étaient là les ultimes mots d'un père aimant. Des paroles chargées d'espoir. Elles seraient dès lors son mantra. Sa propre raison de vivre. Les écritures l'avaient dit, les vampires craignaient les rayons solaires de Tyweel. La nuit était leur allier, mais le jour était leur ennemi. Le poids de leurs péchés et de leur sombre âme pliait le genou face au dieu de la justice. Même la première vampire, Theodora, la Matriarche ne pouvait échapper à l'affliction qui était la sienne. L'humanité pouvait se permettre d'espérer, de voir en cette faiblesse une lueur d'espoir. Mais d'espoir il n'y en avait guère dans ce bas monde… Calanthe montrerait l'exemple, elle mettrait sa vie entre les mains du Dieu soleil et déposerait dans chacun des mortels la flamme de l'espoir.

Mais Serena la Déesse est une divinité cruelle. Le jour vint, où elle fit se lever le menton de la jeune femme alors que celle-ci récitait ses prières chargées d'espoir dans un hall marchand de la capitale. C'est alors que le regard aux teintes de Cognac et à l'ardente flamme rencontrèrent la sinistre créature qui allait bientôt posséder la dernière braise abritant l'espoir de l'humanité…