Physique

On m’a toujours dit que j’étais une femme d’une rare beauté et ma foi, je ne vois pas pourquoi prétendre le contraire. Mon corps est bien proportionné, mais surtout, il a été soigné pendant mes deux décennies d’existences. Les meilleurs onguents, les meilleurs crèmes pour rendre ma peau douce et lisse, mes cheveux brillants malgré leurs couleurs sombres. J’ai de la prestance, une posture impeccable forgée par la danse et d’interminables leçons de bienséance… Mais ce dont je suis le plus fière, c’est de mes yeux. D’un vert émeraude, étincelant, profond. Un caprice de Maîtresse Ama qui adorait cette couleur.

Mais toute cette beauté naturelle, ses courbes divines et ce regard captivant, ne pourrait s’exprimer sans les tenues adéquates. Je les rehausse de bijoux, de robes légères, juste assez pudique pour donner envie d’en savoir plus. Juste assez révélatrice, pour montrer que je sais où se trouvent mes atouts

Psychée

Je dois devenir une vampire. C’est mon destin, la raison de mon existence, ce qui m’a guidé tout au  long de ma vie, qu’on m’a répété sans cesse. C’est une telle certitude que j’ai souvent l’impression que cela m’est dû. A ce titre, je ferais n’importe quoi pour accomplir ce but qui m’a été donné et que, au fils des années, je me suis appropriée car sinon m’a vie tout entière n’aurait aucun sens.

Depuis la mort de ma Maîtresse, je me sens un peu démunie. Je n’ai pas été habituée à faire mes propres choix, à vivre pour moi même, je sais que je dois avancer, mais je suis dans l’obscurité, je tâtonne sans crainte de me cogner, mais ayant peur de sombrer dans un gouffre dont je ne saurais me relever. C’était beaucoup plus simples quand je n’étais qu’une poupée, quand je n’avais pas à réfléchir, juste à faire ce qu’on me disait, même si c’était dur, de le faire à la perfection.

Heureusement, que ma Maîtresse m’a voulu dégourdie, qu’elle m’a appris à me débrouiller par moi même, à manipuler, à contrefaire des documents même. A quoi bon avoir une parfaite poupée, si j’avais été inutile une fois élevée au rang de vampire... et aujourd’hui je peux utiliser ces talents pour continuer cet objectif qu’elle n’a pu achever. Même si j’ai peur maintenant qu’elle n’est plus derrière moi pour éclairer le chemin.

Je ne sais pas ce que j’aime ou pas, j’ai trop été habitué à apprécier ce qu’on me disait d’apprécier, mais j’ai quand même un peu d’orgueil. J’étais son trésor, une esclave parfaitement accomplie, je sais que je vaux plus que les autres humains alors, même si marcher seule semble effrayant, je n’ai pas d’autre choix que de m’élever. Après tout, je ne sais rien faire d'autre, et c'est la seule chose qu'il me reste, désormais.

Pouvoir

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Histoire

Tout le monde veut croire qu’il est Maître de son destin, mais malgré mon orgueil je n’ai pas cette prétention. Je sais que je suis le produit des vampires qui m’ont créé et je n’ai pas la force d’aller à l’encontre de ce chemin qui m’a été tracé.

Ma naissance même n’est pas le fruit d’un heureux hasard mais bien de l’accouplement sélectif d’humains aux qualités appropriés. Ma beauté, le goût savoureux de mon sang, même la couleur de mes yeux, tout avait été décidé bien avant que je vienne au monde. Non, ma seule chance avait été de correspondre à leurs attentes, aux exigences de Maîtresse Ada qui ignora complètement mon nom de baptême, pour m’en donner un plus étincelant. Plus noble. Aliénor.

Tous les jours, elle m’observait, m’étudiait comme un animal de foire pour s’assurer que mon corps grandissait correctement. Tous les jours ses ongles légèrement plantés dans mon menton, elle relevait ma tête, plongée son regard dans mes iris et me souriait. Elle m’appelait son trésor, et tout le labeur de la journée semblait s’envoler sous la douceur de ce surnom. Tous les jours, elle me rappelait tout l’argent, tous les efforts qu’elle avait investi pour me créer, pour m’éduquer, et toujours les jours elle me martelait que je n’avais pas le droit d’échouer… Et tous les jours je priais pour ne pas la décevoir et je travaillais dur en ce sens.

Elle voulait faire de moi une favorite, puis une vampire. Alors on ne m’enseigna aucun métier, juste à être belle et de bonne compagnie. On m’appris à chanter, danser, jouer de plusieurs instruments, à avoir une belle calligraphie, à broder. A sourire même quand je souffrais, à pleurer même quand j’exultais. On m’appris à me taire et à écouter, à comprendre, on m’appris à séduire, à masser à donner du plaisir. On m’appris à devenir la plus exquise de toutes les poupées. Ada adorait m’habillait selon son humeur, me coiffer, me couvrir de bijoux et de parfums.

Et je jouais le jeu, je souriais malgré le poids des mes parures dorés, malgré le corset de ma robe trop serré. Je retenais ma salive devant tous les plats qui m’étaient interdit, car tout ce que je mangeais devait contribuer à rendre mon sang plus savoureux. Je ne bronchais pas devant les exercices d’assouplissement qui m’éreintaient jusqu’au petit matin.

Je supportais tout, sans broncher pour les quelques caresses, et ce regard approbateur de ma Maîtresse, et la promesse qu’un jour, je serais enfin transformée, et qu’à partir de ce moment là, je pourrais être, ce que je désirerais.

Et ce jour approchait, ma Maîtresse était confiante, elle m’avait formé pour être une favorite, aucun risque de voir sa demande rejeté… sauf que la demande n’arriva jamais.

Ada mourut. J’ignore comment, j’ignore pourquoi. Mais ma vie toute tracée, contrôlée dans ses moindres aspects par ma Maîtresse ne peut plus être la même…