Oreste de Vallore-Romont [H]
Invité
ORESTE de VALLORE-ROMONT
A ceux qui sont dépouillés, reste les armes.
Informations
Prénoms : Oreste
Nom : de Vallore-Romont
Age : 253
Clan : Clirwelle
Groupe :Vampire
Métier : ancien dignitaire du clan Clirwelle, actuellement retiré de la vie publique
Orientation sexuelle : Hétérosexuel
Situation familiale : Sans famille
Familier : Orion,étalon pure race espagnole, fier destrier d'Oreste
Pseudo : Le seigneur écarlate
Comment avez vous connu le forum ? En me perdant sur le net
Avez vous signé le règlement ? absolument
Un dernier mot ? Pouvons nous commencer?
Physique
« Son corps semblait fait du marbre des statues, de celles qui ornent le portail des édifices religieux et devant nous rappeler à nous, humains, la fragilité de nos êtres.Sa stature elle même paraissait inhumaine : Haut de plus de deux mètres, de larges épaules cernaient une poitrine massive et un dos puissant qui n’étaient pas sans rappeler le tronc robuste d’un chêne centenaire. Sa ceinture abdominale, droite et rigide, assurait à son corps un maintien solide auquel venait contribuer ses jambes aux larges cuisses et aux mollets arrondies ancrées fièrement dans le sol. La fibre nerveuse de ses muscles alertes dessinait sur sa peau cendrée des sillons sombres, donnant un aspect félin à cette silhouette déjà terrifiante. Ses mains, traversées de multiples veines étaient de granit, tant la paume et les articulations étaient dures. Sur son poignet droit, s’étendait une terrible cicatrice, sinuant entre la naissance du pouce et la moitié de l’avant bras.
Une autre marque au dessous de l’œil droit venait commémorer un passé certainement turbulent, amplifiant encore l’air farouche de ce faciès hautain et martial qu’un sourire venait rarement perturber. Son regard, d’une épouvantable tranquillité projetait sur ses interlocuteurs deux lumières jaunes, pareilles aux flammes d’une bougie. L’absence de pilosité, laissait entrevoir une ossature faciale robuste et une mâchoire anguleuse contractée par la pression de dents meurtrières.
Ce noble et sinistre physique était dissimulé la plupart du temps sous un corset de fer laqué de rouge écarlate sur lequel siégeait une imposante chaîne en or sertie de grenats et au bout de laquelle pendait une étoile émaillée de blanc et de rouge avec au centre la devise du seigneur : « A ceux qui sont dépouillés, reste les armes. » Sur les épaules cuirassées du même fer reposait un riche manteau de damas vermeil brodé d’or et fourré d’hermine lui même recouvert de la peau tannée d’un Alpha.
J’étais à la fois terrifié et fasciné par ce seigneur vampire qui allait devenir mon maître. »
Note de Guillaume d’Albret, esclave D’Oreste de Vallore Romont.
Psychée
Je le voyais régulièrement assis sur l’une des chaises de bois sculpté de son bureau, le regard perdu dans le vide, songeant à ce qu’il pourrait améliorer, perfectionner, sublimer. Son index, délicatement posé sur la profonde fossette qui séparait son nez de ses lèvres signifiait « et si ». Voilà. S'il devait y avoir une phrase, une interrogation qui devait définir notre seigneur, cela serait effectivement celle-ci : « Et si ?» Travaillant inlassablement, se plongeant lorsque c’était nécessaire dans sa bibliothèque, notant, déchiffrant, traduisant le moindre texte, la moindre ligne qui puisse contribuer à la grandeur de sa race et de son clan et à leur futur. Deux siècles de curiosité avaient nourri cet esprit avide de connaissance de tant de savoir qu’il était difficile d’imaginer, encore aujourd’hui, qu’il ne soit pas satisfait. Or, la satisfaction n’existe pas chez notre seigneur, seule subsiste la perfectibilité, l’art de faire mieux, de se surpasser. Cela doit être, je pense, la réflexion d’un éternel combattant, ne sachant pas laisser sa plume dans l’encrier, son épée dans le fourreau, sa réflexion au repos. Parfois, la nuit, lorsque je ne trouve pas le sommeil, je parcours les jardins de son manoir, ou viennent danser de nombreux couples de chauve-souris vivants dans les combles. Au milieu de ce balai nocturne, se joue alors une autre partition, celle de l’acier dansant, sifflant de sa voie métallique une douce furie, au gré du fil de la lame, repoussant le vent chaud de l’été, les bourrasques mordantes de l’hiver. Couvert de transpiration, il exécute au gré de ses souvenirs belliqueux, les gestes qui l’ont conduit là où il est aujourd’hui, ne pouvant se résigner à perdre la main, ne pouvant se résigner à perdre, tout simplement. J’apprécie aujourd’hui ce spectacle qui m’a longtemps terrorisé. Moi, qui lorsqu’il m’a acquis, n’était qu’un humain ordinaire, pour qui il n’avait aucun respect, me traitant au mieux comme un animal domestique, j’ai su, à son image, travailler pour gagner son regard, son approbation. Car s'il était une chose que ceux qui le découvrent doivent savoir, c’est que peu importe l’origine, la race, le sexe, le mérite sera toujours la clef pour approcher l’être qui se cache derrière cette armure d’orgueil. Il ne faut pas s’attendre bien sûr à des démonstrations chaleureuses, tant la maîtrise de son corps et de ses émotions le coupe de tout ce qui pourrait être vu de sa part comme une faiblesse. Néanmoins, il fera preuve de dévouement, jusqu’à l’excès parfois, envers celui ou celle qui aura la patience et la volonté de gagner son estime.Malgré tout, je pense que tant de modération, de raison et de sacrifices, dissimulent en vérité un tempérament ardent, qui doit se révéler à l’abri du monde, dans les plis de ses draps de soie, ou les chemins tortueux des forêts insondables. Lorsque le maître part en chasse, il peut parfois disparaître plusieurs semaines, revenant de préférence au plus profond de la nuit, là où le sang se confond avec l’ombre, là où la fureur n’a plus de visage, là où la bête triomphe de l’homme. On entend alors dans les sous bassement de la demeure, le bruit des épieux brisés et moites jetés sur le sol, le son de la pierre à aiguiser faisant des va-et-vient stridents sur l’acier, le bruissement de l’étoffe couvert de sang coagulé. Sur la table teintée de chair, les carcasses innombrables et massives sont posées à la force du dos, faisant trembler les fondations du bâtiment. Sur les os et les muscles congestionnés des bêtes inertes, vient glisser implacable et précis, le couteau les libérant de leur peau, de leurs crocs, leurs pattes, leur force, devenus trophées, manteau d’orgueil et ornements de terreur. Au matin, l’odeur écœurante des écorchés séchant au sous-sol emplie les pièces silencieuses, qui à l’image des serviteurs semblent sans vie, bloqués dans l’atmosphère épaisse que l’angoisse de chacun provoque.
Horreur et perfectibilité. Sagesse et brutalité. Noblesse et cruauté.
Tel est notre seigneur.
Note de Guillaume d’Albret, esclave D’Oreste de Vallore Romont.
Pouvoir
" Il était face à moi, à 100 pas de l’ endroit où je me trouvais, dans cette clairière perdue au milieu de l’immense forêt ou les cris des chasseurs se mêlaient à ceux des proies. Cependant, je ne savais pas à cet instant qui était la proie ou le prédateur. Malgré la faible lumière que daignait nous offrir la lune, j’apercevais dans l’ombre, un objet élancé et fin que l’apatride plaçait face à lui. Lorsque dans l’air se propagea la vibration d'une corde, je n’eus plus de doute, tant cette musique m’était insupportable. Le dard effleura ma spallière gauche, le déviant légèrement de sa course qui se termina dans l’un des arbres devant lesquels je me trouvais. L’arc semblait aussi grand que l’archer et nécessitait un vaste mouvement pour être bandé, trahissant une importante rigidité. Néanmoins, il aurait certainement le temps de tirer une dizaine de flèches avant que je ne puisse l’atteindre au corps-à-corps. Mes choix étaient limités : traverser la clairière à découvert et m’exposer à une nuée de traits ou rejoindre le bois, à couvert, et risquer de le laisser s’échapper, chose à laquelle je ne pouvais me résoudre. Aussi, me restait-il une seule chose à faire. Au milieu des hurlements lointains, je m’élançais pendant qu’il encochait une nouvelle flèche qui fut rapidement relâchée en ma direction. Autrefois, je devais me fier à ma logique, à mes sens et à mon expérience pour prévoir les coups, mais dans ces conditions, aucun ne m’était utile, m’obligeant à recourir à mon ascendance, au don que la grande cousine m’avait légué. J’essayais de prévoir l’impact du trait, sa direction. Se fut un échec. Le fer s’enfonça dans mon plastron, traversant la maille d’anneaux de fer rivetés, le gambison de cuir rembourré, ma tunique de lin et ma peau. Malgré le recul et surtout la vexation, je retirais l’intruse et continuais mon chemin meurtrier. Au fur et à mesure de ma progression, les détails de mon opposant apparaissaient, ce qui était loin d’être une bonne nouvelle, car cela signifiait qu’il me voyait mieux également. La flèche qui s’enfonça dans mon épaule gauche en étant la preuve. Je fus déséquilibré par le choc qui me fit dévier de ma course, m’évitant ainsi une autre blessure. J’eus plus de chance avec le trait suivant, qui m’apparut, le temps d’un souffle, juste avant qu’il ne me foudroie, me ratant de peu. La moitié du chemin avait déjà été parcourue et j’entrais pourtant dans la phase la plus délicate. De par mon envergure, j’étais une cible de choix à une proximité aussi réduite. Néanmoins, plus l’intervalle de temps diminuait entre le départ de la flèche et le contact, plus j’étais en mesure de feindre, allant parfois jusqu’à détourner les projectiles avec mon épée. Mon adversaire n’eut pas la même clairvoyance. Espérant décocher un dernier trait, il ne put empêcher ma lame de mordre sa chair. Ne pouvant utiliser mes deux mains, j’employais ma vitesse de course et ma masse pour abattre d’un brutal mouvement de poitrine mon bras valide terminé par mon fer qui après une vaste rotation vint embrasser la naissance dans son cou, découpant la peau tendre et les artères palpitantes avant de fendre la clavicule, l’omoplate, brisant son sternum et libérant l’air comprimé dans ses poumons. La lame finit sa course dans une vertèbre où elle se bloqua. Je la retirai en faisant grincer sa cage thoracique secouée de spasmes puis, utilisant la même force centrifuge que lors du premier coup, je tournai sur moi-même pendant que ses genoux cédaient, découvrant sa face déformée par la vison de l’acier virevoltant à hauteur de mon coude. Ne restait bientôt plus qu’une masse d’écume pourpre dans laquelle on pouvait deviner sa mâchoire inférieure, le reste ayant roulé parmi les fougères, à 10 pas de son trépas.Cette nuit, je compris qu’il m’était possible de voir l’avenir, un avenir proche et centré sur moi. La précision diminuant proportionnellement à l’accroissement de l’intervalle de temps. Il me restait dès lors à affûter mes réflexes…"
Mémoires d’Oreste de Vallore-Romont, Livre IV, le massacre des apatrides.
Invité
Histoire
« Il est important de penser en terme de civilisation. Nous ne sommes pas les destructeurs de la brillante culture levantine. N’avons-nous pas su préserver ses institutions ? N’avons-nous pas sublimer son fonctionnement ? Au-delà de toutes les attentes de l’administration royale d’antan ? Dès lors, ne sommes-nous pas les architectes de l’une des cultures les plus raffinée que le monde ait portées ? Nous devons donc assumer ce rôle qui nous incombe, celui de bâtir, préserver et étendre notre civilisation . Pourquoi n’y parvenons-nous pas ? Pourquoi sommes nous toujours assis, depuis tant d’années, à contempler les mêmes trophées, dont nous avons oublié, pour la plupart, pourquoi ils étaient exhibés sur les murs de notre vanité ? Les clans. La désunion. La décentralisation. Tant de maux qui aujourd’hui nous enferment dans l’apathie quand bien même notre jeune civilisation devrait poursuivre sa dynamique. Car oui, notre civilisation est jeune malgré les décennies qui ont transformé le sang vigoureux qui nourrissait nos corps triomphants et nos esprits indociles en une matière sirupeuse et enivrante qui brouille à ce jour notre vision qui devrait pourtant être claire et tournée vers l’avenir. Aussi, le temps de l’unification, doit venir raviver nos membres. Si nous n’avons pas été les destructeurs du haut levant, soyons les destructeurs de cette organisation archaïque impropre à une culture si évoluée. Finissons cette transition et achevons enfin, le premier acte de cette œuvre grandiose : L’Apogée de la civilisation vampirique… »Une toux caverneuse, retenue à grande peine par une main livide et tuméfiée par la vieillesse, vint interrompre la diction d’Oreste qui se figea face à la flamme crépitante de l’immense âtre dans lequel gisait les troncs tortueux de deux noyers. Le seigneur des lieux retourna légèrement la tête sans quitter des yeux le foyer.
« Souhaiterais-tu t’arrêter un instant Guillaume ? »
Le vieil homme, voûté au-dessus de son pupitre de copiste, lui aussi éprouvé par le poids de l’âge, se racla faiblement la gorge en s’essuyant les lèvres du bout de ses doigts déformés par l’arthrose, puis se remit en place sur la chaise ouvragée sur laquelle on avait placé pour l’occasion un confortable coussin de brocart, cousu de fleurs d’or et de volutes pourpres. Appuyant sa main gauche sur le parchemin, il avança son nez aquilin si près de la surface de l’ouvrage que sa respiration faisait trembler l’encre frais.
« Pardonnez-moi maître… « l’apogée de la civilisation vampirique » »
Sans bouger, Oreste détourna son regard pour le projeter hors de la fenêtre entrouverte sur une paisible nuit de printemps, dominée par une lune rousse annonciatrice de gelées tardives.
« La lune est déjà haute. Je pense qu’il n’est pas nécessaire de continuer ce soir. Nous aurons le temps de poursuivre notre ouvrage demain. »
Le copiste plongea également son regard vitreux dans le vide de cette nuit sans nuages et laissa échapper un soupir empli d’une profonde mélancolie ainsi que quelques mots :
« Le temps, seigneur. Le temps. Je pense ne pas en disposer suffisamment. »
Cette fois-ci, le regard du maître se posa sur le sol de marbre délicatement ciselé, dissimulé sous les lourds tapis de laine ouvragés qui isolaient la pièce à vivre de la morsure du givre avant de se retourner, faisant délicieusement glisser dans l’air son parement de cendal écarlate, doublé de soie turquoise et couvert de l’imposante fourrure d’une créature occis lors d’une chasse de plusieurs jours dont raffolait le noble. Sur son torse massif, dansait un collier d’or incrusté de grenats auquel était suspendue une étoile à cinq branche, chacune émaillée de blanc et de rouge où il était inscrit au centre la devise de la famille de Vallore-Romont : « A ceux qui sont dépouillés, reste les armes. ». Traversant, en une foulée gigantesque l’espace qui le séparait de son esclave, il vint serrer de sa main de fauve l’épaule chétive de Guillaume qui restait le nez dans l’encre, le regard dissimulé sous les plis de paupières envahissantes et d’une paire de sourcils broussailleux.
« Pardonne-moi mon ami. La notion de temps m’est devenue étrangère depuis longtemps déjà. Surtout, ne vois pas cela comme du mépris. Néanmoins, j’insiste pour que tu ailles chercher un peu de repos dans tes appartements. Je demanderai à ce que l’on te prépare un bain de tilleul blanc pour tes douleurs, ainsi que de l’hydromel chaud mélangé à de la sauge pour ta toux. »
Pour clore la discussion, il tapa tendrement deux fois le dos du vieil homme qui sentit malgré son épaisse tenue d’hiver la puissante paume et les doigts d’acier secouer son être. Guillaume acquiesça, en remuant légèrement la tête de haut en bas, puis dans un soupir ou se mêlait douleur et lassitude s’éleva difficilement de sa chaise avec pour seul aide ses bras chétifs qui semblaient pouvoir rompre à tout moment. Cependant, alors qu’il s’ apprêtait à passer la porte en cerisier ornée de fenestrages sculptés et de larges pentures noires ouvragées qui permettait de rejoindre la grande salle, il se retourna :
« Maître, puis-je vous poser une question ? »
Oreste , qui c’était installé à la place du scribe pour relire les notes lui répondit sans interrompre sa lecture.
« Bien sûr.
- Lorsque nous avons commencé cet ouvrage, il y a de cela maintenant 43 ans, vous m’avez dit que c’était un cadeau. Toutefois, vous n’avez jamais précisé le nom du destinataire. »
Aussitôt, le noble vampire interrompit son travail. Il posa délicatement le parchemin sur le pupitre, et le repoussa, les paumes à plat sur le plateau de bois, avant de s’appuyer sur la chaise qui craqua sous l’imposante carrure du maître. Installant ses coudes sur les reposes bras décorés d’animaux chimériques rehaussés de feuilles d’or, il joignit ses mains face à son menton, appuyant son index sur la fossette qui séparait son nez de sa lèvre supérieure.
« Je ne sais pas. »
Guillaume fut étonné de la réponse et resta, interdit, dans l’embrasure de la porte.
« Ce texte, sur lequel nous travaillons, est destiné à celui, ou à celle, qui unifiera à nouveau le royaume du Haut-Levant. Il doit l’aider dans sa tâche, mais également l’aider à bâtir ses futures ambitions. C’est un condensé de toutes mes expériences, mortelles et immortelles, que j’ai apprises au cours de ma carrière gouvernemental, diplomatique et militaire. J’ai également depuis des décennies, amassé, copié, traduit de nombreux textes fondateurs de la civilisation levantine, le travail d’une vie certes, mais surtout d’une mort.
- Je croyais que mon seigneur c’était retiré de la vie publique définitivement ?
- C’est vrai. Une éternité de services m’a mené dans un état proche de la neurasthénie. De plus, je ne me reconnaissais plus dans cette vie politique fragmentée, rendue stérile par les rivalités claniques. Je me suis retiré pour profiter des richesses et des biens que j’avais amassé et me consacrer à l’élevage des chevaux, des chiens et des oiseaux de proie, rédiger des traités sur la chasse, la vénerie, l’équitation ainsi que sur le combat, la stratégie, la poliorcétique. Mais, même cela a fini par me lasser. Il est difficile d’admettre ça, pour un cartésien tel que moi, mais je suis un animal Guillaume. Un animal qui ne se plaît que dans la fureur. Qu’il s’agisse de celle des débats, celle des ébats ou encore de celle des combats. Je fais la guerre Guillaume. Et ce texte, en est une. »
- Pourquoi maître désiré si ardemment l’unification ?
- Sais tu pourquoi le royaume du Haut-Levant a été défait ?
- Bien … je pense que le vampirisme surpasse l’humanité en tout et…
- Guillaume ... Je suis né à une époque où l’homme régnait. Alors certes, l’arrivée de la Matriarche, gloire à elle, a pris au dépourvu la monarchie et ses institutions. Néanmoins, l’être humain a une capacité d’adaptation bien supérieure à la nôtre. Un état centralisé et solide, disposant d’une démographie comme celle du Royaume, aurait du encaisser, apprendre puis contre-attaqué. Or, il ne l’a pas fait. Pourquoi ? Tout simplement parce que, à cette époque, l’autorité du Roi était gravement atteinte. L’émergence de pouvoirs régionaux, rendus riches grâce aux conquêtes sont venus concurrencer l’état lui-même et dans un certain nombre de situations se substituer à lui. Aussi, suite à la lune noire, chacun a pensé à soi. Le concept de nation nous était devenu inconnu. Et nous sommes actuellement susceptibles de connaître le même sort. »
Guillaume avait suspendu sa respiration durant toute la discussion. Malgré la douleur qui étreignait sa poitrine et qui se diffusait dans sa mâchoire et le long de son bras gauche, il ne voulut surtout pas s’arrêter de questionner son maître qui pour la première fois évoquait son passé mortel.
« Avez… Avez-vous combattu pendant les guerres vampiriques ? »
Oreste croisa les bras et resta silencieux un long moment, les yeux sur le parchemin, avant de reprendre d’une voix profonde et monocorde :
« Oui… J’appartenais à une branche cadette de la famille de Vallore, elle-même apparenté à la famille royale. Notre domaine se trouvait dans les marches orientales du Royaume ou les miens avaient reçu de nombreux fiefs en échange des charges qu’ils avaient exercé pour le compte de l’administration centrale. Mais avec la diminution de l’influence de la couronne, ces charges perdirent de leur importance et nous nous repliâmes dans nos terres natales. Celles-ci, étaient prises entre d’importantes seigneuries qui entrèrent bientôt en compétition pour le contrôle des marches orientales. Mon père, Horace de Vallore-Romont, dût pour conserver ses biens, qui dépendaient de suzerains rivaux, faire de nombreuses allégeances, tout en se gardant bien de prendre part aux conflits. Or, au cours de l’été de mes 12 ans, alors qu’il occupait un poste de gouverneur militaire, il fut attiré dans un piège et exécuté par le duc de Réal qui revendiqua notre fief. Ma mère nous fit jurer à moi et mon frère, de venger notre père et tenta de lever une armée pour résister. Malheureusement, qui à cette époque aurait suivi une femme au combat ? Si bien qu’avant même la fin de l’année, nous fîmes obligés de quitter notre dernier bastion, le château d’Hauterive-le-Fier. Cette fuite fut précipitée, ma mère ayant été prévenue d’un complot nous visant. Sans autres vêtements que ceux que nous portions et sans nourriture, nous nous entassâmes dans une barque en contre bas de la forteresse pour rejoindre sur l’autre rive les chevaux qui nous attendaient. Mais le temps, inhabituellement clément pour cette période, avait provoqué une fonte prématurée des glaces, gonflant les eaux qui nous emportèrent avant d’avoir atteint notre destination. Aucun de nous n’avait la force de résister aux flots. Aussi, nous dérivâmes pendant six longues journées transis de froid et affamés. Mon cadet, Hector, mourut durant la nuit du quatrième jour, d ‘épuisement. Ma mère porta son petit corps contre le sien jusqu’à ce que nous fîmes recueillis par des nautes qui nous emmenèrent ensuite sur les terres de l’un de nos parents, le duc Philippe de Vallore. Je fus admiratif de cet homme, à la haute stature et à la physionomie martiale qui portait le manteau de damas vermeil brodé d’or et fourré d’hermine au-devant duquel était fixé un soleil également brodé en or. Cet habit était celui des chevaliers de l’ordre du soleil ardent, dont les membres étaient des combattants aguerris, soigneusement sélectionnés pour leurs mérites personnels sur le champs de bataille ainsi que leur fidélité à la couronne. Le duc, étant également maréchal de Haut-levant, avait le commandement d’une partie des armées de la maison du Roi est dut se rendre peu de temps après notre arrivée à la capitale pour préparer une campagne au sud de Pestenoir. Ma mère, le pria de m’emmener pour que je puisse parfaire mon éducation et surtout défendre mon titre perdu. Notre hôte, qui n’avait pas de fils, accepta de devenir mon parrain et me pris à son service comme valet. Je me souviens, encore aujourd’hui, d’une douleur à la gorge, provoquée par la retenue de mes larmes lorsque je fus contraint de quitter cette femme que j’admirais autant, voir plus, que tous les chevaliers du royaume. Elle effaça, de sa paume robuste, la seule goutte qui perla au creux de mes yeux, avant de saisir mon visage pour le blottir contre sa poitrine vide, vide de tous ceux qu’elle avait perdu.
Pour moi, qui n’avait connu que les paysages brumeux du pays riverain d’Aubéclat, la capitale offrait des divertissements et des décors que je n’aurais jamais imaginé. Malheureusement, je n’eus guère le temps d’en profiter. Mon protecteur, qui ne pouvait à cause de mon jeune âge m’emmener au combat, me recommanda auprès des offices de la maison du roi pour servir sous les ordres du grand panetier de Haut-Levant qui dirigeait tous les services de bouche et présidait les repas du roi et de ses proches ainsi que du grand veneur qui organisait les chasses royales. Mes espoirs de rencontrer le Roi Belmont furent néanmoins rapidement déçu. En effet, le monarque de nature solitaire et taciturne, déjeunait la plupart du temps seul dans ses appartements et n’accordait que peu d’intérêt à la chasse qu’il considérait comme une perte de temps. Fort heureusement pour moi, ces activités avaient d’autres avantages, notamment celle d’approcher les femmes de la cour qui, comme la capitale elle-même, différaient de tout ce que j’avais pu connaître. L’une d’elle était d’ailleurs l’objet de toutes mes attentions. Il s’agissait de l’une des cousines du souverain, qui depuis le décès de son père était pensionnée par la cour. Âgée d’une vingtaine d’années, elle avait toujours refusé de se marier, soucieuse sans doute de ne pas échanger la liberté dont elle disposait dans la demeure royale avec l’enfermement d’une épouse d’un noble de province. Cet entêtement lui avait valu une liste interminable de rumeurs et de ragots à son sujet, que les enfants de cuisine et autres louvetiers se faisaient un plaisir de raconter. J’étais surtout friand des histoires qui lui avaient valu le surnom de « lèvres d’or » et qui m’obsédaient lorsque je guidais son cheval, humant le délicat parfum de basilique et de mandarine qui s’échappait de sa chevelure fauve. Je me souviens également, qu’un jour, alors que j’avais été affecté à son service lors d’une cérémonie, elle portait une longue robe de brocard verte émeraude décorée de sublimes oiseaux pourpres qui mettait en valeur sa peau pâle et ses cheveux astucieusement arrangés en un monumental chignon orné de primevères. La tenue, portée sans manteau, épousait naturellement son corps voluptueux sans le dissimuler sous d’inutiles étoffes qui auraient occulté à mes yeux la sublime chute de diamants qui de son cou laissait glisser mon imagination vers le creux interdit du saint de ses seins. Mon état était tel que dus m’absenter une partie du service pour respirer loin des chaleurs de la cuisine et des ardeurs de mon désir naissant. Je découvrais à l’extérieur un convive indisposé par le vin qui soulageait sa vessie contre les murs du château. Ce dernier, lorsqu’il m’aperçut, commença à me parler sans toutefois cesser sa besogne.
« Et bien garçon, tu sembles avoir vu le démon… Ou plutôt... Aimerais-tu le montrer ? »
La tenue d’un échanson royal, se composant d’une courte veste côtelée et de collants, laissait peu de place à l’imagination et ne dissimulait en rien mon émoi. Aussi, non sans mal, tâchais-je de conserver ma dignité.
« Allons, allons. Le blé n’est il pas fait pour nous nourrir ? Le vin pour nous réchauffer ? Et les aimables dames pour nous troubler ? Crois-moi jeune ami, tu n’es ni le premier, ni le dernier à sentir tes chausses rétrécir face à la grande cousine.»
Après s’être lourdement égoutté au risque de perdre plusieurs fois l’équilibre, l’individu daigna se retourner. C’était un homme trapu, dont le visage aux teintes vermeilles, la panse généreuse et les pommettes luisantes devaient être la conséquence d’un fort appétit et d’un goût sans doute prononcé pour les spiritueux. Il s’approcha ensuite de moi pour me poser la main sur l’épaule. Un geste, qui, aussi simple soit il, lui demanda beaucoup d’effort tant la différence de taille nous séparant était importante. Sous son imposante moustache encore décorée des restes de son repas, il tenta de coordonner ses lèvres pâteuses qui semblaient être anormalement attirées vers le sol. Après plusieurs essais, il parvint enfin à articuler un grognement qui pouvait être traduit par :
« Bien ! Tu es le poulain de cette vieille baderne de Philippe, je suppose ? Tous ceux de son espèce sont aussi hauts que des chênes, bien qu’ils aient plus en commun avec le gland ! »
Il fut aussitôt paralysé de longues minutes par le rire, qui repartait à chaque fois qu’il me regardait, tant j’étais déconcerté par ce personnage. Quand il put à nouveau respirer, il posa une nouvelle fois sa main sur mon épaule, mais cette fois-ci avec plus de facilité, tant l’hilarité semblait l’avoir emplie de légèreté.
« Oreste, je suis bien aise de te voir ainsi, tirant sur ta veste pour cacher ton braquemart ! J’avais peur d’avoir à éduquer un peine à jouir aux idées longues et à la queue courte. Allons garçon ! Du vin ! Car jamais retiens le, la rhétorique ne s’enseigne à jeun ! »
J’ignorais d’où il tenait mon nom et celui de mon parrain. J’étais sur le point de l’interroger, quand nous fîmes interrompus par messire le grand bouteiller, responsable des échansons. Celui-ci se préparait à me corriger pour avoir fait défaut pendant le service mais aussitôt, l’énergumène prit ma défense.
« La peste soit sur toi, crapaud, locuste, pisse d’âne ! Tu oses m’interrompre moi ?! Branbant de Breuil ?! Bachelier de l’université de Longvoil, membre de l’ordre des chevaliers du soleil ardent et ancien lieutenant général de Mistrallin ? Alors que je dispense à mon élève une leçon des plus importante ? Veux-tu que sa majesté soit mise au courant de ta témérité ?
- Mes excuses sir… mais, la grande Cousine…
- Dis à Madame que son échanson la servira sous peu et que je lui ferai livrer 10 caisses de bon vin pour lui rembourser les deux verres perdus.
- … Bien sir…
Quand l’intrus se fut retiré la queue basse, le sir de Breuil me raccompagna jusqu’au côté de la grande cousine qu’il salua avec la grâce d’un verrat alcoolisé avant de lui susurrer quelques mots à l’oreille qui ne manquèrent pas de faire rire la dame. Quel que furent ces mots, elle me demanda par la suite à son service pour chaque repas et chasses.
J’appris plus tard, que messire Brabant était un ancien compagnon d’armes de Philippe de Vallore qui après une noble carrière dans les armes avaient enseigné l’ensemble des arts libéraux à l’université de Longvoile. Jaloux de sa liberté intellectuelle, il avait fini par quitter l’établissement pour donner cours dans des tavernes qu’il louait, ce qui lui avait valu le surnom du « Tavernier » de la part des étudiants qui nommait également sa doctrine la « philosophie du godet ». Malgré ces appellations parfois peu flatteuses, le seigneur de Breuil était unanimement reconnu comme un maître de l’enseignement propédeutique et plus particulièrement de la rhétorique qui était considérée comme indispensable par mon parrain qui louait les services de son ancien compagnon pour me servir de tuteur. Mon nouveau professeur pratiquait ce qu’il appelait l’éducation totale, à savoir le travail du corps et de l’esprit. Aussi, lorsque je commettais une faute, ce dernier à défaut de me battre, me faisait porter des pierres au-dessus de la tête ou courir dans les escaliers de la tour sud du château, connue comme étant la plus escarpée. Enfin, ses cours se passaient rarement à l’intérieur, préférant enseigner dehors par tous les temps dont certaines fois même, à dos de cheval.
Lorsque j’eus 14 ans, il intégra à mon cursus l’enseignement martial. Celui-ci se traduisait par l’étude des traités de stratégie et autres manuels de tactiques, tant antiques que contemporains ainsi que de la pratique grâce aux différents maître d’armes qu’il fréquentait. Escrime, technique de la lance couchée, équitation, archerie, pratique des armes d’hast, rien ne me fut épargné. Ce copieux régime me valut bien des souffrances mais porta néanmoins ses fruits.
A 17 ans, je fus convié par mon protecteur à ma première campagne contre les villes révoltées du Cap du Croissant, qui en échange de la promesse de quelques chartes avec des seigneurs locaux avaient expulsé les garnisons royales. Le Roi Belmont, souhaitant faire un exemple, avait convié tout son ost dans les faubourgs d’Exenis pour écraser les insurgés. À cette occasion, des festivités furent organisées avec comme point d’orgue, une joute à laquelle participerait les plus grands chevaliers du royaume pour le plaisir des Dames de la cour venue en masse admirer les hommes et leurs destriers sur la lice. Le tournoi devait s’ouvrir avec un combat entre bacheliers, c’est-à-dire les écuyers dignes de faire leur entrée dans la chevalerie. J’étais de ceux-ci. Comme une centaine d’autres, je fus armé par le roi lui-même qui en vue de la campagne espérait par ce geste s’attacher la fidélité de sa troupe hétéroclite. Puis, sans toucher les étriers, je me hissai en arme sur mon cheval. Tout mon équipement avait été fait sur-mesure suite à une commande de mon parrain auprès d’un armurier de Carmin. Aussi, avais-je la chance d’être parmi les bacheliers les mieux préparés. Je portais un bassinet riveté sur mon camail, orné de plumes de paon et dont la visière, portant largement sur les bords antérieurs du timbre, laissait même fermée à mon cou une grande fluidité. Le corselet de fer qui protégeait mon dos et ma poitrine était couvert d’un étroit surcot de soie vert de sinople sans manches laissant voir spallières, cubitières et garde bras. Sur mes hanches reposait une ceinture se composant de parties d’orfèvrerie, carrées, façonnées en tables biseautées et réunies par des charnières, à laquelle pendait mon épée, dont le pommeau orné de pierreries était attaché à une chaîne en laiton. Mon cheval, issu des haras de la maison de Vallore, était un hongre de race méridionale au corps compact mais élégant, avec une encolure puissante de laquelle tombait une magnifique crinière ondulée qui dépassait des housses le protégeant des coups. Celles-ci étaient fendues par-devant à la hauteur du cou, lui-même protégé par une cotte de mailles et pendait en deux longs pans qui rajoutaient grâce et prestance à cette bête déjà superbe. J’avais demandé à ce qu’aucun blason n’apparaisse ni sur mon bouclier, ni sur mon surcot, ni sur le harnois de mon cheval, mais que tous soient teints du même vert de sinople, couleur de la chevalerie errante. Étant sans terres, je ne souhaitais pas m’approprier des couleurs que je n’aurais pas méritées. Lors du traditionnel défilé devant la tribune, ma lance reçue comme c’est la coutume, nombre de rubans que les dames suspendaient au fer lors de mon passage. Mais seul celui déposé par la grande cousine alourdi le poids de mon arme, tant il était chargé de désir.
Nous fîmes répartis en équipe, avec pour seul règle d’être le dernier debout à la fin. Lorsque le héraut d’armes sonna le début de la rencontre, nous chargeâmes étriers contre étriers l’autre équipe qui n’avait pas su resserrer sa formation et fut donc facilement culbutée par nos lances. Le malheureux qui me faisait face eu le nez brisé sous l’impact et mesura le sol de tout son long sans avoir rien accompli. Le premier échange passer, nous tirâmes les épées pour anéantir les espérances des quelques chanceux qui avait su retarder leur sort. À grands coups de taille, je faisais vider les étriers d’un premier avant de projeter un second d’un coup de bouclier. Un troisième s’agrippa fermement à mon heaume et tâcha de tout son poids de me faire basculer en avant. Mais des années d’entraînement avait fait de ma ceinture abdominale un véritable ressort. Je pus dès lors me redresser suffisamment pour m’épargner la chute et le gratifier d’un coup de pommeau sur la nuque avant de la frapper de taille à hauteur du casque pour le déséquilibrer. Seule la liesse du public m’avertit de la fin des combats, tant l’excitation me faisait perdre la tête. Ainsi se succédèrent les rencontres jusqu’à ce que nous ne soyons plus que deux. Après une matinée à ferrailler en armure sous un soleil impitoyable, je sentais mes mains et mes bras trembler sans que je ne puisse plus les contrôler. Ma lance, semblait être plus lourde que mon cheval lui-même que j’avais dû changer, tant la bête était éreintée. Mais en voyant au loin le généreux décolleté enveloppé de soie de la grande cousine, je sentis en moi une ardeur nouvelle, suffisante en tout cas pour achever ma besogne. Quand le cor retentit, je partis au pas, pour prendre le temps de jauger l’adversaire qui se ruait sur moi. J’avais remarqué lors des dernières joutes en combattant à ses côtés, qu’il profitait de sa courte taille pour passer en dessous des lances et lui-même ajuster au niveau de l’abdomen là où il était difficile de parer. Pour tenter de le dérouter, je me mis au galop presque au dernier moment en changeant de direction, mais tout en maintenant mon arme au niveau de son buste. Emporté par sa vitesse, il s’encastra dans la pointe de ma pique, me ratant de peu. Comme j’étais de biais au moment du choc, mon dos et mon épaule se seraient rompus si je n’avais pas été soutenu par les hauts troussequins de ma selle. Quoi qu’il en soit, une fois redressé avec peine, je pus constater que mon adversaire était au sol et que la victoire, donc m’appartenait.
Il fallut bien trois écuyers pour me tirer hors de ma selle tant mon corps était endolori. Le sir de Breuil qui avant même le résultat avait commencé à fêter mon succès, me fit avaler un jaune d’œuf battu avec du miel et de l’eau-de-vie pour me remettre d’aplomb et m’escorta en compagnie de Philippe au centre de la tribune ou le roi m’attendait. Me mettre à genoux fut un supplice, mais toutes mes souffrances s’effacèrent lorsque je sentis sur ma tête la couronne de lauriers accompagnée des mots de mon souverain.
« Loué sois ton courage, toi, qui aujourd’hui a bravé l’ardeur des lionceaux du Haut-Levant. Par cette couronne, tu gagnes aujourd’hui ta place parmi les lions. Honni sois ici celui qui remettrait en cause ta force. Puisses-tu te montrer, face à l’ennemi, aussi audacieux que tu ne l’as été face à tes pairs.
- Je le jure sir. »
En parvenant à prononcer ces quelques mots, je pus regarder de près le Maître du Haut-Levant. De ses larges épaules vêtues du grand manteau royal vermeil ornés d’abeilles d’or, dominait une tête carrée à la carnation mate et à la chevelure noire imposante, soutenue par un cou de taureau d’où était suspendue le collier de l’ordre du soleil ardent qui teintait sur le même métal de son armure. Me fixant de son regard semblable à l’ambre des forêts d’Aubéclat, il me demanda de sa voix proche du tonnerre :
« Quel est ton nom, toi qui revendiques l’errance en refusant à nos yeux tes couleurs ? »
Jusqu’à cet instant, je n’avais jamais réellement saisi la raison pour laquelle la dialectique était aussi importante aux yeux de Brabant et Philippe. Mais lorsque je dus répondre à cette question qui sonnait comme un défi, l’art oratoire et son influence sur l’homme me parut prendre tout son sens.
« Je me nomme Oreste de Vallor-Romont. Je suis le fils d’un père assassiné, l’enfant d’une femme bafouée et l’héritier d’une terre spoliée... Je me nomme Oreste de Vallor-Romont, serviteur du Haut-Levant et de son Roi. »
Il me sembla, l’espace d’un instant, que ma voix se répercuta sur la face blême de tout l’auditoire qui resta transi sous l’effet de ma réponse qui ne pouvait qu’obliger le souverain à m’accorder son aide. Comment aurait-il pu en être autrement ? Pouvait-il refuser au champion qu’il avait lui-même choisi et qui se plaçait ainsi sous sa protection, la justice dont il était le garant.
« Oreste de Vallore-Romont… aucun des fils du Haut-Levant ne devrait connaître l’errance. Aussi sois sans crainte. Car aujourd’hui, te voilà à ta place, parmi les tiens. »
Il retira de son cou le collier de l’ordre dont il était le maître et le posa sur mes épaules.
« Puisse l’ordre des chevaliers du soleil ardent être ta maison, et leur blason tes couleurs. Sache enfin ceci, digne fils de Haut-Levant : à ceux qui sont dépouillés, reste les armes »
C’est ainsi que ces mots devinrent ma devise et que l’écarlate devint ma couleur. À partir de cet instant, ma vie fut presque entièrement consacrée au service du roi, qui pour me remercier m’offrit également Orion, le destrier qui allait m’accompagner même après mon ascension. Cet étalon gris était le plus beau cheval qu’il m’ait été donné de voir. Élevé avec soin dans les haras royaux, il portait une encolure harmonieusement courbée ou venait glisser sa délicate crinière ondulée qui apparaissait telle une flamme durant les combats. Haut de 1m75 au garrot, son corps était taillé pour le combat, doté d’un poitrail large, profond et musclé, et d’épaules obliques puissantes prêts à renverser tous ceux qui nous barraient la route . Avec les années, nombreux furent ceux qui employèrent l’expression « Oreste parmi les hommes et Orion parmi les chevaux ».
Après le tournoi, je fus intégré comme chevalier de corps de la garde, j’accompagnais le roi dans toutes les campagnes, dont celle contre les villes du Cap du croissant à nouveau révoltées et dont le point culminant fut la bataille des matines pourpres au cours de laquelle nous dûmes dégager le roi, encerclé suite à une audacieuse attaque des révoltés. Ouvrant dans la mêlée une brèche parmi les fauchards à grand coup de hache, je pus avec l’aide de ma conroi, mettre le souverain en lieu sûr puis contre-attaquer à ses côtés. Bien que les insurgés furent écrasés, le monarque, magnanime, estima qu’il serait bon d’apaiser les esprits et choisi une délégation pour négocier un traité équitable, évitant de nouvelles tensions. Je fus de ceux qui parlementèrent avec les bourgeois et qui ratifièrent le traité du croissant, mettant un terme aux révoltes des communes. En remerciement je fus nommé lieutenant général de Vertgrison avant d’être également gouverneur militaire de Longvoile quelques années plus tard.
J’occupais ce poste lorsque Philippe me prévint du décès de ma mère et de son refus d’être enterrée ailleurs que dans son fief. À cet instant, un sentiment de honte, insoutenable, plus fort que la tristesse d’un enfant devenu orphelin, m’étreins. Celle à qui je devais tout était partie, sans que je puisse accomplir le vœu que je lui avais formulé. Je me rendis aussitôt à la capitale demander au roi un congé que celui-ci m’accorda en plus d’une somme d’argent, nécessaire à la lever d’une compagnie. Accompagné de quelques fidèles, je me rendais dans le pays au sud de Mistrallin pour recruter quelques solides Montagnards, hallebardiers reconnus et craints, avec qui j’avais déjà combattu à plusieurs reprises. Parmi ces soudards se trouvaient les tristement célèbres frères Talbardon, Crocard ,Fauchard et leur bande, spécialistes de la prise de château par escalade et brigands détestés, qui étaient encore en vie grâce à leurs bons services au cour des campagnes royales. Lorsque j’estimai ma troupe suffisante nous prîmes la direction du fief des Vallor-Romont en empruntant les chemins de la forêt d’Aubéclat. Une nuit, alors que nous campions à l’abri des regards, j’étudiais attentivement les rapports fait par mes éclaireurs, assis sur le tronc sans vie d’un chêne éclairé par la faible clarté d’un feu timide et d’une lune obstruées par la canopée. Relevant le regard un instant, j’aperçus dans l’obscurité une forme qui semblait progresser vers moi. Saisissant une masse à ailette, je demandai aussitôt à l’intrus de se présenter sous peine d’avoir le crâne fendu. Une voix féminine me répondit doucement, rassurante et suave. Son visage m’apparut peu à peu. Celui d’une femme marquée par le temps mais néanmoins épargnée par sa morsure. Elle m’annonça que j’allais réaliser mon vœu, mais qu’en agissant ainsi je condamnais le Royaume du Haut-Levant. Toujours debout dans la pénombre, armé de ma masse, j’écoutais le présage sans pour une fois savoir quoi répondre. Elle ne l’attendit d’ailleurs pas. Elle se retourna, prête à disparaître comme elle était venue et ne daigna pas se retourner quand je lui demandais son identité, se contenant de répondre tout en marchant : « La sorcière de Temur ». [...]
Invité
Histoire suite
#Domination
La seule chose qui me préoccupa suite à cet événement, fut de renforcer ma garde. Aussi, oubliant le conseil qui m’avait été donné, je continuai ma route vers le sud. J’espérais contraindre mon ennemi à sortir de ses places-fortes pour le vaincre en une bataille décisive. J’envoyais pour cela des hommes ravager de manière faussement anarchique les territoires du duc de Réal qui ne tarda pas à réagir comme je l’espérais. La plus grande difficulté était de ne pas faire repérer le gros de mes troupes dissimulé dans l’épaisse forêt d’Aubéclat. Pour cela nous fîmes contraints de réduire au silence tous les malheureux qui eurent l’imprudence de s’aventurer trop près de nos positions. Mais cela en valut le prix. Les colonnes détachées en tirailleur furent bientôt au contact de l’avant-garde de l’armée opposée. Dès lors, elles durent gagner suffisamment de temps pour me permettre de les rejoindre. Je fonçais avec 250 cavaliers à travers la forêt sur les 700 hommes d’armes de l’arrière-garde et du train ennemi, qui, déconcertés, s’enfuirent laissant environ la moitié de leurs hommes sur le terrain. Pendant ce temps les frères Talbardon avaient progressivement rejoint le gros des combats et tenaient à distance avec leurs carrés de piquiers les troupes ducales qui ne s’attendaient pas elles non plus à se voir contournées. Mon vieil ennemi tâcha d’envoyer une réserve pour contenir mon avancé sur ses reins et tenter de se reformer, mais la perte des bagages avait écœuré ses troupes qui pour la plupart s’enfuirent à travers bois. Bientôt isolé au milieu de l’inarrêtable tenaille qui se refermait sur lui et n’espérant plus aucune clémence, il recommanda son âme au dieu solaire puis ayant délaissé toutes ses insignes, se jeta dans la mêlée. Il fallut deux jours pour trouver son corps, affreusement défiguré par un coup de hallebarde qui avait fendu sa mâchoire, sa pommette droite et une partie de son crâne. Tombant genoux à terre après le combat, je pus enfin en regardant le ciel, dire adieu à ma mère.
Malgré la victoire, la pacification de toutes les places-fortes fut longue. Au cours des sièges, je recevais les félicitations du roi, qui m’avait nommé Capitaine général des terres en deça d’Aubéclat, ainsi que les titres de comte de Romont, seigneur de Hauterive et enfin, Duc de Vallore suite au décès de mon parrain, Philippe, à un âge avancé. J’ entrais moi-même dans ma 28e année lorsque les rumeurs d’une épidémie, dont l’épicentre semblait être le village de Temur, 150 km au nord-est de mes terres, se mirent à circuler. Occuper à soumettre les alliés de l’ancien duc de Réal, je n’y prêtais pas attention, réclamant seulement un contrôle douanier plus important. Mais au fur à mesure des années, la maladie devint une révolte, qui embrasa tout l’est, puis le nord, menaçant bientôt les faubourgs de Carmin. La encore, je recevais des messages contradictoires des fiefs voisins et de la couronne qui ne s’accordaient pas sur la gravité de l’insurrection. J’envoyais donc plusieurs éclaireurs pour avoir le fin mot de l’histoire. Peu revinrent vivants de la zone des combats, mais l’un d’entre eux avait retrouvé le bailli de Temur. Cet homme, prématurément vieilli par plusieurs mois de privation, caché et traqué comme une bête sauvage, avait un discours incohérent. Parlant de lune, de démon buveur de sang et de femmes commandant aux hommes. Un peu plus tard, ce fut un petit noble d’une province voisine, l’époux de la fille de l’archiviste royale, qui vint demander asile. Lui non plus ne connaissait pas exactement la nature de la menace, ayant fui sans même chercher à défendre ses terres et pire encore, sa femme. Aussi rejetais-je sa demande, ne voulant pas m’encombrer d’un tel lâche. Enfin, un dernier groupe de mes cavaliers me prévint qu’une colonne de pillards, c’était séparée de l’armée principale pour brûler les villages en bordure de mes terres. Le soir même, par une pluie battante, je franchis à marche forcée les 48 kilomètres qui me séparaient de l’ennemi. Sur notre route, nous aperçûmes d’innombrables brasiers illuminés la pâle clarté de la nuit qui retentissait de cris déchirants. Arrivés peu avant l’aube, nous fîmes surpris d’apprendre que l’adversaire se préparait à camper alors que le jour se levait. J’en profitais pour donner une heure de repos à mes hommes et partir moi-même discrètement reconnaître les positions des rebelles. Quelle ne fut pas ma surprise, de voir effectivement plusieurs femmes en arme dans le camp ennemi, débordantes de fureurs, massacrant et saccageant les corps des pauvres malheureux qu’elles avaient réduit en esclavage. Je me rendis également compte que mes hommes et moi-même étions en sous-effectif. J’envoyais dès lors plusieurs messagers pour demander des renforts aux seigneurs voisins. Sans perdre une minute toutefois, je montais à cheval guider mes hommes à l’assaut, espérant profiter de l’effet de surprise . Les fidèles mercenaires des Talbardon chargèrent à pied le camp des insurgés pendant que j’attaquai moi-même depuis le bois de Pérégrin. Pour la première fois, j’engageai ceux qui un jour deviendraient les miens.
Malgré le caractère brutal et inattendu de mon attaque, l’ennemi ne perdit pas pied et passer un léger instant de flottement contre-attaqua vigoureusement, taillant les piques de mes fantassins pour les atteindre aux corps-à-corps. Voyant au loin le danger j’envoyais un détachement d’arbalétriers entre les carrés de piquiers pour repousser le furieux assaut auquel ils étaient soumis. Mais si les carreaux parurent les ralentir pendant un moment, ça ne les arrêta pas pour autant. Malgré les blessures ils continuaient d’avancer, parfois en ayant une lance en travers du torse. Nous eûmes plus de chance avec nos chevaux. Un cavalier en arme monté sur un cheval bardé lancer au galop, représentait un poids de près de 700 kilos concentré au bout de la lance, qui pouvait dès lors transpercer même l’armure la plus solide. Nos fers s’enfonçaient parfois au travers de trois corps, disloquant les os, déchirant les chairs et répandant les viscères. Mais une fois engagé suite à la première charge, il nous fut très difficile de ressortir de la mêlée, tant ces bêtes se battaient avec rage. De tous côtés, nous étions assaillis, tant par les armes que par les griffes, certain s’en prenant même à mes solerets à coup de dents. Nos armures furent mises à lourde épreuve mais nous permirent à chaque fois de reconduire la charge. Nous nous élançâmes douze fois dans leur rang sans parvenir toutefois à les briser. Mais, lorsque vint l’heure de midi, et que le soleil vint percer le ciel bas et lourd, nous sentîmes les coups diminués et leur élan se ralentir malgré les hurlements sauvages de leurs deux cheffes. Celles-ci, telles les viragos ou les amazones des chansons de geste, haranguaient leurs semblables, les poussant en avant, déchirant au besoin leur peau déjà marqué de notre fureur. Bien décidé à leur livrer un coup fatal, j’emmenais plusieurs escadrons en échelons à l’endroit où se trouvaient les guerrières. Un à un, les rangs compacts de mes compagnons s’écrasèrent sur notre adversaire, s’approchant inexorablement des têtes du serpent bicéphale. Près du but, ma lance se brisa contre l’échine tortueuse de l’une de ces créatures qui se rua ensuite sur mon cheval, le renversant de sa force monstrueuse. Roulant au milieu des sabots et des entrailles, je profitais de la main providentielle le d’un de mes compagnons pour me hisser avant que ce dernier ne soit à son tour mis à bas de son destrier, un mince cordon de chair retenant sa tête ignominieusement arrachée. Je me saisis alors du formidable brand d’arçon accroché à sa selle pour d’un puissant coup de taille, former un cercle d’acier mortel autour de moi, frappant mon assaillante à la hanche. Le coup, imprécis, fut néanmoins suffisant pour déséquilibrer la guerrière et me permettre de prendre l’élan nécessaire en tournant sur moi-même pour séparer son tronc de ses jambes, faisant résonner sur le sol le bruit caverneux de son corps sans vie. La fin du duel sonna également la fin de la résistance pour nos ennemis qui eurent la mauvaise surprise de voir arriver les 500 hommes du maréchal d’Hauteflame en début d’après-midi, après avoir reçu ma demande de renfort. Ceux-ci s’élancèrent à la poursuite des fuyards avant de rejoindre le champ de bataille à la nuit tombé avec quelques prisonniers.
Ils me trouvèrent, amer, en train de diriger l’enlèvement des corps de mes hommes, tombés en grand nombre. Bien que je restais maître du terrain, le résultat n’avait rien d’une victoire. J’avais perdu plus de la moitié de mes soldats, dont une majorité de fantassins et avec eux, les frères Talbardon. Mais surtout, je n’arrivais toujours pas à comprendre qui était l’ennemi que j’avais repoussé. Au sol, certain d’entre eux, privé de leurs membres, le corps brisé, essayait encore de mordre tous ceux qui avaient le malheur de passer trop près. Le vieux Maréchal, qui avait été détaché par le Roi vers le sud pour tenter de maintenir ouvert les routes et assurer la bonne continuation du ravitaillement, m’expliqua que la situation empirait de jour en jour. Des flots interrompus de réfugiés venaient se masser aux abords de la capitale, ou ils essayaient en vain de franchir les murailles à l’intérieur desquelles, les conditions n’étaient guère mieux. Après plusieurs rumeurs de complots et de tentatives de renversement, le roi c’était encore plus isolé, paralysant en partie l’état. J’étais atterré d’entendre de telles nouvelles et me maudissais intérieurement de ne pas avoir été présent au côté du souverain. C’est alors que me revint la prophétie de la sorcière de Temur. Par mon égoïsme, j’avais privé mon royaume d’une partie de ses forces vives en les détournant dans une guerre privée. Je n’avais hélas pas le temps de me lamenter et je demandais à rencontrer les prisonniers. Tous présentaient le même visage livide, affublé d’un regard arrogant et de lèvres désespérément closes malgré les fers ardents qui tenaillaient leur chair lors de la question. Étant dès lors inutiles à mes yeux, j’ordonnais qu’ils fussent tous décapités, technique qui avait fait ses preuves durant les événements précédents. Je restais les jours suivants en intense réflexion, tâchant de savoir quelle était la meilleure solution à adopter. C’est au cours de mes méditations, alors que je regardais par la fenêtre du Château d’Hauterive-le-fier, que j’aperçus au loin le vol d’une immense colonie de freux qui vint nicher dans les arbres en contrebas de la forteresse. Je ne le savais pas encore, mais celle qui allait devenir ma souveraine m’observait à cet instant, cherchant elle aussi à savoir qu'elle allait être ma prochaine action.
Je décidais finalement de partir pour la capitale en longeant les rives du fleuve pour éviter l’encerclement et sur lequel serait affrété des navires chargés de provisions. J’organisais mon ordre de marche comme ceci : Le maréchal d’Hauteflamme ouvrirait la marche avec ses cavaliers suivis de l’infanterie recrutée parmi les communes de mes domaines et protégée sur ses flancs, face à la plaine, par une partie de mes vassaux. Je Dirigeais moi-même l’arrière-garde, déléguant parfois le commandement pour patrouiller le long de la colonne. À peine sortis, nous fîmes presque immédiatement pris à partie. Cependant, ayant appris de mes dernières expériences, j’avais équipé les hommes des premières lignes d’armure complète et ceux de l’arrière d’arbalètes pour repousser la force brute de nos opposants, les cavaliers devant seulement terminer de refouler les plus téméraires. Malgré la réussite de cette tactique, notre progression était lente, trop lente au goût du maréchal qui a la tête de l’avant-garde pressa le pas sans me consulter, créant une brèche entre sa troupe et le corps principal. Cela n’échappa pas aux corbeaux qui nous suivaient depuis le début de notre exode. Le harcèlement des tirailleurs laissa place alors à l’armée de la Matriarche elle-même, installée sur la route menant vers l’est à son fief de Temur. Ainsi commença la bataille des rives écarlate.
Prévenu par mes éclaireurs, je me hâtais de remonter la colonne pour assister, impuissant au massacre de l’avant-garde, isolée. Privé de cette assistance, je dus combler au mieux le vide avec mes propres cavaliers pour éviter que mon infanterie ne soit attaquée par le côté. Mais un rapide coup d’œil suffisait pour comprendre que la situation était désespérée, sauf… sauf si je parvenais à atteindre une fois de plus, le chef ennemi…
J’ordonnais à mes hommes de tenir coûte que coûte et profitais du fait que la route vers le sud soit encore libre, pour sortir entouré d’une centaine de cavaliers, avec derrière nous, dissimulés, un corps d’arbalétriers. Je compris bien plus tard que je pus me permettre cette sortie, car les freux à cet instant regardaient une autre partie du champ de bataille. Déployant toutes mes bannières, je tâchais d’attirer vers moi, en direction du sud, une partie de l’aile gauche ennemie. Le but était simple, étendre suffisamment leur ligne pour je puisse m’y faufiler et atteindre la commandante. Lorsque j’aperçus une faiblesse dans leur dispositif, j’ordonnais à mon escadron de changer brutalement de direction, dévoilant à nos poursuivants le corps d’arbalétriers qui tira à bout portant sur eux. Incapable de me poursuivre, ils me laissèrent enfoncer le centre des lignes, profitant une fois de plus de la puissance de nos montures pour contrebalancer la force des vampires. Dans la mêlée, je dus, l’espace d’un instant relever le mézail de mon heaume pour mieux me repérer. C’est alors que je l’aperçus. D’une terreur sublime, dominant de son regard sombre l’humanité qu’elle était en train de soumettre, la matriarche, l’architecte de l’Apocalypse, la dévoreuse du monde. Subjugué, une seconde de trop, j’eus simplement le temps d’entendre vibrer l’air, avant qu’une flèche ne pénètre profondément dans ma joue droite. Un flot de sang et de débris de cartilage me fit suffoquer alors que j’étais projeté contre le dos de mon cheval, me déboîtant la hanche au passage. Incapable de me défendre, je reçus une série de coups dont un me brisa le poignet pour me faire lâcher mon arme avant qu’un dernier ne me fasse perdre conscience après avoir heurté mon casque et fait voler ma visière.
J’ouvrais les yeux quelques heures plus tard. À mes côtés, se trouvait un physicien qui venait de retirer le fût de la flèche sans toutefois pouvoir enlever la pointe, prise dans l’os. Transit de fièvre, je ne parvenais pas à hurler malgré la douleur innommable qui étreignait mon corps de toute part. Néanmoins, j’entendais autour de moi des discussions et parvenais à déceler dans l’air, malgré l’odeur métallique du sang qui obstruait mes sens, le parfum subtil de la mandarine et du basilique…
J’alternais, pendant plusieurs semaines, éveils, somnolences, délires et évanouissements, remarquant, en de rares moments de lucidité, les efforts du médecin qui tentait d’élargir ma blessure au visage pour atteindre le fer du missile. J’appris plus tard que 20 jours furent nécessaires pour retirer l’intruse fichée dans ma joue et que l’on cicatrisa ma blessure avec de la salive de vampire, un vampire qui tenait vraiment à ce que je reste en vie.
À l’aube du 21e jour, je m’éveillais, exténué, mais sans fièvre, humant dans une pièce inconnue, un délicat parfum, qui dans ma mémoire était celui qu’exaltait une chevelure fauve, objet de mes désirs d’antan. Or, elle était là, « la grande cousine » assise à mes côtés. Sa peau était d'une extrême pâleur, sa silhouette voluptueuse elle, c’était affinée, ses muscles raffermis, soulevant délicatement, au gré de ses mouvements devenus plus assurés, la couche de soie immaculée qu’était son épiderme, à présent ciselée par la fibre musculaire. Son buste, aérien et fuselé, inébranlable, dominait une chute de reins semblable à la plus abrupte des cascades, venant se déverser sur la courbe de ses fesses, taillées dans le marbre le plus noble, rond et velouté tel un fruit interdit, couronnant l’arbre majestueux qu’étaient ses jambes interminablement gracieuses, sculptées dans le bois le plus somptueux. Ses lignes athlétiques reposaient sur des pieds élégamment voûtés, se terminant par de longs orteils ornés de bagues et dont les ongles, habillés de la couleur de l’ébène, brillaient tant il contrastait avec le voile blanc de sa peau gracile.
La délectation se lisait sur ses lèvres écarlate, trempées par la salive qui venait se déverser avec gourmandise après chaque passage de sa langue qui apparaissait par intermittence entre deux redoutables canines. Elle attendit que je fus totalement éveillé pour enfin me délivrer de l’attente et confirmer mon retour à la raison.
« Brave petit soldat, vaillant sur son cheval, hardi au combat et dévoué, même aux causes perdues. Tu ne saurais imaginé, lorsque je t’ai vu sur le champ de bataille, te débattre avec ferveur, comme j’étais impatiente que tu sois mien, pour mettre à mon service tes qualités de chevalier servant. Maintenant et jusqu’à l'heure de ton trépas, tu seras mon échanson, comme tu le fus autrefois, soulageant la soif qui m’étreint constamment. »
Puis d’un geste nonchalant, elle fit signe au chirurgien d’entrer. Celui-ci tenait une large coupe de pierre ollaire, certainement sculpté par un artisan de Mistrallin. La fumée s’en échappant sentait la sauge, la camomille et la menthe, un remède tonifiant que je devais boire quatre fois par jour. Des cataplasmes de soucis étaient appliqués sur les multiples lésions qui parsemaient mon corps ainsi que des onguents destinés à détendre mes muscles et oindre ma peau d’une délicate couche d’huile parfumée. Enfin après quelques jours, je fus autorisé à manger de la viande, saignante, souvent agrémentée de thym et de céréales, que le physicien me recommanda d’avaler en grande quantité. Fort de ce régime, je fus à nouveau capable de me mouvoir, bien que ma masse musculaire autrefois imposante ait laissé place à l’image tortueuse de mes côtes. Cependant, mon gardien, me fit faire de l’exercice, d’abord en quantité raisonnable, puis beaucoup. Pendant tout ce temps, j’étais isolé dans ce qui semblait être un petit manoir, dissimulé dans la campagne vierge, avec pour seule compagnie, le médecin et le cri incessant des corbeaux. Je tâchais de me renseigner auprès de mon chaperon sur la situation extérieure, sans toutefois réussir à lui faire ouvrir la bouche. Mais j’allais bientôt avoir des réponses à mes questions.
Une nuit, alors que le sommeil m’était interdit en raison des douleurs de ma chair et de mon honneur meurtris, j’entendis le pas harmonieux et racé d’une bête qui piaffait sur le parvis du modeste bâtiment dans lequel je résidais. N’ayant aucun doute sur l’identité de l’animal, je me précipitais dehors, oubliant un instant ma déchéance, oubliant tout le reste. Il se tenait devant moi, son crin brillant sous la lune qui semblait n’éclairer que lui. Orion. Le contact de son front large sur ma peau marquée suffit à apaiser mon être, réchauffé par l’air chaud que ses naseaux libéraient sur ma poitrine, lourde de honte et de culpabilité. J’avais tout perdu, mais lui était encore là. Je contemplais, avec lenteur, ses lignes harmonieuses qui se dévoilaient au gré de l’obscurité, laissant la paume de mes mains parcourir sa robe grise, presque surnaturelle. Cet instant de grâce, fut malheureusement bientôt interrompu par celle qui me gardait prisonnier.
« Le cheval revient à son cavalier, comme l’esclave revient au maître. Étrange coïncidence n’est ce pas ?
- Dois-je en déduire madame, que vous me comparez à un esclave ?
- Ou à une monture. À toi de voir quel rôle te sied le mieux.
- Je suis certes votre captif, mais croyez moi, jamais je ne ploierais devant vous.
- Ne t’agenouillais-tu pas devant ton Roi ?
- Je pourrais vous poser la même question.
- J’ai choisi de m’agenouiller devant le destin, petit échanson, celui dicté par la nature et non celui imposé par les hommes. Moi et les miens, ceux du clan Clirwelle, croyons au destin, au futur qui nous couronnera, faisant ployer quiconque résiste à l’ordre naturel.
- Comment pouvez-vous parler d’ordre, quand toutes les institutions qui visaient à le maintenir sont détruites par une force chaotique, corrompue et avide de sang ?
- La civilisation n’est qu’une tentative absurde des faibles pour résister au fort, petit échanson. Il aura d’ailleurs suffi de quelques années pour renverser ce que tu tentes si ardemment de protéger, prouvant ainsi le caractère vain de votre entreprise.
- Il suffira de quelques années pour le rebâtir également.
- Après la bataille des rives écarlate, nous avons visité tes domaines. Nous avons pris notre temps, surtout les membres du clan Miranna, qui n’ont guère apprécié l’embuscade que tu leur avais tendue. Nous avons veillé à ce que toutes les femmes soient ravagées, encore et encore après leur avoir arraché leurs enfants. Certaines invoquaient ta protection alors que tu les avais privé de leurs époux, les condamnant à une vie de servitude. Elles étaient pitoyables. Nous avons détruit méticuleusement chacune de tes demeures avant de jeter du sel dans les sillons creuser par notre vengeance, pour être sûr que cette terre reste inculte, condamnée à la damnation, à l’oubli tout comme toi. Ta superbe, tes domaines, tes insignes… Plus rien n’existe si ce n’est ta personne qui dorénavant… M’appartient ! Que rebâtiras-tu maintenant ?
À cet instant, au plus profond de mon âme, à l’endroit ou je n’avais jamais désiré m’aventurer, de peur de libérer une partie de moi-même que j’avais tenté d’enfouir depuis longtemps, quelque chose se brisa. Ma poitrine s’embrasa progressivement, emplissant mes membres d’un brasier destructeur, consumant mon esprit et mes idéaux. Le corps de mon père suspendu aux fourches patibulaires, le visage blême de mon frère sans vie comprimé contre la poitrine vide de ma mère, le regard d’ambre du Roi, la voix de Brabant tous me traversèrent comme tant de poignard perçant ma chair. Sans réfléchir, je me jetais sur la grande cousine. Dans l’ivresse de la haine, je ne me rendais pas compte qu’elle esquivait chacun de mes mouvements avant même que je ne les commence, mes poings passant largement à côté de son visage, malgré la fulgurance de mes attaques. Elle finit par saisir mon poignet qu’une attelle maintenait. Ses doigts s’enfoncèrent dans mon avant-bras, l’immobilisant de sa poigne d’acier. Mais alors que ses phalanges venaient raviver ma fracture, je plantais mon regard dans le siens, serrant tant ma mâchoire que ma blessure sous l’œil s’ouvrit, laissant un flot de sang noir recouvrir mon visage et mon torse. Malgré la tension de mes dents et le liquide vitale qui inondait mes lèvres, je parvenais à lui dire :
« Jamais je ne serais votre esclave, dussé-je en mourir… Jamais !
- Je savais que tu dirais ça petit échanson, tout ce que tu pourras essayer de faire, je le verrai avant même que tu ne le penses. Le destin… Le destin me dicte tout ce qui peut se passer. Et crois moi, je vois que je te briserai… Autant de fois qu’il le faudra ! »
D’une torsion brutale de la main, elle me rompit le poignet, à nouveau, avant de goûter le sang qui marquait ses phalanges, les emprisonnant entre ses lèvres qui se teintèrent à leur tour.
« La colère te donne du goût, petit échanson… Voilà qui est bon à savoir. »
Puis elle disparut...
Des mois passèrent, des mois pendant lesquels, j’essayais de regagner le corps qui autrefois était le mien, le corps qui avait pu se mesurer à la force bestiale des vampires. Puis, une nuit, je décidais de quitter le petit domaine forestier dans lequel je me trouvais, partant en éclaireur sans Orion pour éviter qu'il ne soit inutilement blessé. Vêtu de chausses de coton grossière, de braies en lin, d’une simple gonnelle portant les marques des exercices que je pratiquais et de bottes de chasse souples, je m’aventurais dans l’épaisse végétation, fantomatique et silencieuse, troublée seulement par le bruissement des ailes d’un oiseau nocturne. Je m’arrêtais régulièrement pour trouver dans le ciel l’étoile polaire me permettant de me repérer, tout en prêtant attention aux arbres qui m’entouraient pour comprendre dans quelle partie du royaume je me trouvais. La piqûre des feuilles et l’odeur parfumée de la sève me permettait rapidement de savoir que j’étais entouré par des pins propres aux régions septentrionales et vallonnées, probablement celle de Mistrallin. J’étais convaincu de ma déduction en me rappelant la coupe de pierre ollaire dans laquelle je buvais mon breuvage. Mais surtout, je n’eus plus le moindre doute lorsque j’entendis le râle pâteux et lugubre d’une lourde créature dont les pas faisaient trembler le lit d’aiguilles sur lequel je restais immobile. Je remontais l’étoffe de ma chemise sur mon nez en espérant que le vent, faible, mais dans mon dos ne guiderait pas mon haleine vers les naseaux délicats du troll qui rôdait autour de moi. Mais lorsque le pas se fit moins lourd et la respiration plus forte, ponctuée de reniflements sonores, je compris que j’étais repéré. Aussi, sans attendre, je me retournais pour courir aussi vite que je le pouvais. L’irrégularité du sol en plus de risquer de me faire trébucher, était un véritable supplice pour ma hanche convalescente. Néanmoins, la symphonie des arbres arrachés derrière mon dos était suffisamment entraînante pour que je puisse traverser l’obscurité. Je récitais dans ma tête les chansons de geste traitant des chevaliers pourfendeurs de Troll, pour tenter de trouver une solution rapide aux problèmes carnassiers qui se rapprochait inexorablement. Me revint alors l’histoire de Bohémond le brave, qui pour tuer l’une de ses créatures, se faisait passer pour mort puis enfonçait un poignard dans l’œil du monstre. Je n’eus pas longtemps à réfléchir sur le moyen de simuler mon trépas, puisque je reçus un coup prodigieux dans le dos qui m’envoya sentir de près l’essence de pin. Sonné, mais toujours conscient, je restais immobile pendant que mon agresseur me manipulait, sans doute pour savoir qu’elle partie serait la plus savoureuse. Me saisissant par les côtes, il approcha sa gueule immonde dont les dents acérés entouraient déjà mon épaule quand soudain, je plongeais violemment mes pouces dans ses petits yeux rapprochés, sentant couler le long de mes avant-bras un liquide épais et nauséabond. Je n’eus pas le loisir de progresser suffisamment dans sa boîte crânienne pour le tuer, car il me jeta brutalement, à 3 bons mètres des lieux de notre duel. La chute secoua tout mon être. Aussi quand j’entendis des éclats de rire et des cris de corbeaux, je crus être de nouveau en train de sombrer, mais la poigne de fer qui me saisit par la cheville et qui me traîna jusqu’au manoir, était bien réelle.
Sur le sol froid de pierres fissurées, je tentais de me relever, me retournant difficilement pour tenter de m’appuyer sur mes articulations écorchées par ma ballade nocturne. Quand je pus enfin me tenir debout, j’aperçus dans la pâle clarté de la lune le corps nu de la grande cousine me faisant face. Ce que je prenais au départ pour un maquillage outrancier apparut être bientôt du sang, nappant ses lèvres dangereusement entrouvertes et ses haute paupières qui balayaient ses pupilles dilatées par le plaisir.
« Mon petit échanson, c’est là deuxième fois que tu me fausses compagnie pendant le service, me laissant, assoiffée. »
# Domination
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’elle se jetait déjà sur moi, enfonçant son genou dans ma poitrine d’un coup semblable à l’éclair, tant le reflet de la lune sur sa peau nacrée fut bref. Exténué par mon premier combat, je ne baissais cependant pas les armes, profitant du fait que j’étais penché pour la saisir au niveau des hanches et la repousser contre le mur. L’impact renversa tous les ustensiles qui étaient rangés dans l’armoire toute proche, provoquant une cacophonie de verre et de terre cuite brisé qui ne dissimula pas le rugissement de plaisir de ma cavalière qui me frappa sur le dos de ses deux poings, me mettant à genoux. Malgré la douleur, je parvenais à rouler sur le côté ou je rencontrais le chemin d’une chaise en bois que je jetais sur mon assaillante avant de la saisir par la nuque pour plaquer son visage sur l’immense table en noyer. La force de tout mon buste fut nécessaire pour la maintenir, m’empêchant de bouger lorsque sa main chaude vint frénétiquement chercher le chemin de mon membre viril à travers le lin de mes braies qu’elle déchira par manque de patience, libérant enfin ma virilité, gonflée par la rotation experte de son pouce qui ne tarda pas à l’enserrer pour la guider dans son corps. Je resserrai au fur et à mesure de notre plaisir grandissant ma prise sur sa nuque, avant de saisir également ses hanches pour mieux encore accompagner mon ascension dans ses reins, au creux desquels je finis par silencieusement délivrer ma semence. Exténué par ce dernier effort, je me retirais, titubant jusqu’à rencontrer un mur au pied duquel je me laissais glisser. Elle resta penchée longuement, reprenant son souffle, foudroyée par des spasmes venus des plus profonds de son être, l’obligeant parfois à serrer les cuisses avant d’entamer une rotation sensuelle de ses hanches pour faire durer, ne serait ce qu’une seconde de plus, le plaisir qui brûlait son ventre.
Quand les battements de sa libido furent plus espacés, elle s’approcha de moi, écarta de ses pieds nus mes jambes pour venir s’agenouiller face à moi et me gratifier d’une morsure à la naissance du cou. Je sentis ma peau céder sous le tranchant de ses canines, que la succion de ses lèvres expertes enfonçait de plus en plus loin dans mes chairs, libérant sur sa langue battante, le liquide qui inondait ma vie. Apathique, je ne sentais pas la douleur, tant la saignée m’engourdis, me laissant l’impression de glisser dans un bain chaud. De longues minutes, elle s’abreuva de mes forces vitales, repoussant toujours plus ma tête sur le côté, au point de bientôt me briser la nuque. La douleur me fit revenir à moi-même et malgré le froid qui saisissait mes membres vides, je parvins à sentir le pied d’une chaise fracassée, reposant à mes côtés. Conscient, de l’état extatique dans lequel elle se trouvait, je pus, sans me cacher, saisir l’épieu et, doucement, l’enfoncer entre ses côtes. Au fur et à mesure que la pointe approchait son cœur, la succion se fit moins forte, ainsi que son étreinte. Elle fut bientôt inerte, accrochée par ses dents seules, sur mon corps éteint. La mort, lentement m’étreignait. J’aperçus simplement, avant de fermer les yeux, le médecin. Ce dernier, saisit le poignet de la grande cousine qu’il trancha, laissant couler son sang encore chaud dans une écuelle qui avait échappé à la chute de l’étagère. Puis, la poussant sans ménagement sur le côté, il porta à mes lèvres le sombre liquide aux notes métalliques.
Pendant une période qui parut une éternité, je sentis mon corps se consumer de l’intérieur. Petit à petit, le poison corrompu mes chairs qui semblaient se dissoudre, me donnant parfois l’impression de fondre. Ma mâchoire, douloureuse semblait transpercée par des clous acérés qui rongeaient peu à peu mes gencives, tandis que mes yeux, les jours passants m’offrait au prix de douleurs inimaginables la possibilité de me voir renaître…
J’ignore encore aujourd’hui combien de temps dura mon ascension. Mais une fois de plus, le silencieux médecin qui m’avait rappelé à la vie, veilla sur moi. Sans que je ne sache comment, il parvint à me nourrir de sang frais et à soulager la métamorphose de mon enveloppe mortelle, écorchée sur l’hôtel des noctambules, condamné à la soif obscur, interdire et immortelle. Puis, m’allongeant sur la selle d’Orion, il laissa les corbeaux me guider vers ma nouvelle patrie. Jamais je ne le revis depuis.
Je fus plus tard, stupéfait de découvrir mon portrait dans le miroir que me tendit Son Altesse après que les corbeaux m’aient mené jusqu’à elle. Je ne reconnaissais pas l’homme que je fus. Toute ma pilosité était tombée, laissant mon corps au teint gris bleuté imberbe, ne dissimulant plus l’épaisse masse musculaire qui habillait ma haute taille. Le cartilage de mes oreilles formait une légère pointe tandis que mes yeux, autrefois de la couleur de l’azur, étaient devenus pareils au reflet d’une bougie sur le verre, similaire au brasier qui dévore les innocents en temps de guerre. Je découvrais également les ruines du Haut-Levant. Tout ce que j’avais connu, avait disparu, aussi fallait-il le rebâtir, même si ce n’était pas de la façon que j’avais espérée.
J’ignorais d’abord pourquoi je fus adopté par ce clan, tant mon aspect différait de ceux qui m’accueillaient, d’autant que mon passé martial inspirait le mépris. Néanmoins, une lame, est toujours utile, surtout quand elle est guidée avec sagesse. Je le découvris d’abord en luttant contre les vampires apatrides puis lors des nombreuses ordalies dans lesquelles je servais de champion. Cette renommée guerrière m’ouvrit les portes de l’ordre des manteaux pourpres, ou mon esprit de déduction, d’analyse et d’observation, me permit de rejoindre l’élite dans la capitale. Sur place, je rencontrais d’autres clans, affinant ma connaissance de mes semblables et travaillant avec eux à la réhabilitation des institutions levantines. Je finissais par administrer pour le compte de Son Altesse Sybille, une partie de son territoire.
Près d’un siècle avait été nécessaire pour retrouver la place qui était la mienne. Aussi, je m’emparais à nouveau des regalia qui marquaient mon statut, d’antan et d’aujourd’hui. Je commandais chez un orfèvre, le collier d’or portant ma devise ainsi que le baudrier devant accueillir mon épée. Je réalisais moi-même les plans de celle que je baptisais « Véhémente ». Au sein du pommeau délicatement forgé qui dominait cette lame richement décorée, je faisais installer une relique : un morceau de la côte de la Grande cousine, brisé par l’épieu fatal. Poli puis recouvert de feuille d’or, il venait habiller mon orgueil d’avoir et d’être un inlassable combattant, de la lumière ou des ténèbres. Je sublimais mon corps bâti pour la terreur d’une armure écarlate aux nerfs saillants et cannelures pour les habillements de fer. Au-dessus de mon harnois, je portais le manteau de damas vermeil brodé d’or et fourré d’hermine des chevaliers de l’ordre du soleil ardent, recouvert de la peau d’un Alpha de grande taille. Nombre de mes semblables virent cela comme une excentricité, surtout dans un clan où la guerre et ses parements sont vus comme une activité triviale et barbare. Néanmoins, elle venait encore teinter mon charisme d’une terreur presque surnaturelle, forçant la soumission des esclaves, la discipline de mes subordonnés et le regard de mes égaux. On me surnomma d’ailleurs rapidement le seigneur écarlate. S'est vêtu de cet appareil martial que je conduisais les affaires seigneuriales et claniques qui m’étaient confiés, me dévouant corps et âme à la cause des Clirewelle. Malheureusement et malgré mes efforts, l’apathie de la société vampire finissait toujours par bloquer mon enthousiasme ainsi que les chantiers que je tentais de lancer pour développer encore notre civilisation. Fatigué de monter sans cesse la même pierre sur l’interminable colline de l’ataraxie vampirique, je finis par mimétisme à me consacrer à ma personne, délaissant les affaires publiques. Mais malgré tout, l’inaction me manque Guillaume, d’où la rédaction de ce mémoire et ... »
Oreste se retourna après son flux de paroles fécond vers son scribe. Mais ce dernier gisait contre la porte massive, son corps ramassé et maigre jurant avec la solidité de l’édifice. Le seigneur écarlate s’approcha de son esclave, dont la respiration rauque avait disparu, n’animant plus son nez aquilin et ses épaules voûtées. S’agenouillant doucement, il ferma les yeux maintenant couverts d’un voile blanc du vieil homme et se releva doucement. Se saisissant de toutes les notes sur lesquelles les deux hommes avaient travaillé, il se dirigea ensuite dans ses appartements. Dans l’immense pièce aux murs habillés de soieries, siégeait une couche immense couvert d’un ciel de lit vermeil aux armes du maître des lieux, couvert de coussins et de couvertures d’étoffe brodée elle-même écrasées par le poids et la dimension de la fourrure d’un animal fantastique. De larges colonnes en bois exotique soutenaient l’imposante structure et les courtines de feutres, mais soutenaient également les plaisirs, souvent brutaux du maître et de ses invités. Non loin, se trouvait une forte armoire en chêne aux portes à fenestrages habillés de pentures horizontales en laiton et clos par une serrure forgée permettant de bloquer une série de loquets à tête de fauves. Tirant de l’une de ses poches une clé incrustée de grenats, Oreste déverrouilla l’ouverture du meuble dans lequel se trouvait l’armure écarlate et véhémente, sa bonne épée…
« Qu’il en soit ainsi. ».
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Illustration des chevaliers du sang issue de Total war warhammer 2
La Chuchoteuse
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Date d'inscription : 26/05/2020
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