Physique

Si je devais la qualifier en un mot, ce serait noblesse. Tout chez elle évoque ce terme : ses traits, sa posture, ses écrins… Demelza incarne une classe sociale privilégiée, sans complexe elle arbore robes en velours pourpre et parures de pierres précieuses. Mademoiselle Salisbury affectionne les belles choses et les porte avec grâce. Soucieuse de son apparence, elle prend grand soin de sa chevelure rubis. Sa plus grande fierté. Cette tignasse rougeoyante fait partie intégrante de son identité. Si vous faites partie des rares privilégiés à partager la couche de Demelza, vous pourrez alors la contempler en train de dénouer son chignon sophistiqué pour laisser libre cours à son épaisse crinière couleur carmin, caressant ses seins fermes et délicats jusqu’au creux de ses reins. Quelle extase que de déguster du regard cette silhouette diaphane auréolée d’un feu ardent !

La beauté de Demelza relève davantage de la singularité que de la perfection. C’est une femme de taille moyenne aux courbes plutôt chétives. Sa peau d’albâtre laisse entrevoir le relief de ses côtes et de son bassin. Le galbe de ses seins est tout juste suffisant pour remplir les paumes de mes mains. Cependant cette fragilité est vite balayée par son visage aux traits si altiers. Une bouche pulpeuse, souvent teintées de pourpre accompagnent un nez finement dessiné. Son teint n’est pas livide mais pur comme la plus rare des porcelaines. Des yeux en amande à la couleur insondable encadrés de longs cils lui confèrent un regard de lionne. Demelza n’a rien d’une jeune première au charme candide. C’est une femme à la beauté terrifiante, qui inspire autant la crainte que la fascination.

Psychée

Pareil à un rubis, la psychée de Demelza possède des reflets bien distincts suivant l’angle par lequel on l'observe. Son éducation privilégiée et exigeante a aiguisé au fil des années une intelligence remarquable chez notre vampire. Dotée d’un esprit vif et d’une répartie incisive, Demelza a su se faire une place de choix au sein du clan Shil. Gare à celles et ceux qui ne verraient en elle qu’une jeune vampire prétentieuse et arrogante. Mademoiselle Salisbury sait sonder l’âme de ses pairs pour en identifier les faiblesses et les utiliser à son avantage. S’attirer l’animosité de notre lionne rousse est un jeu bien périlleux tant elle peut manquer d’empathie jusqu’à frôler la cruauté.

Erudite, Demelza apprécie apprendre de nouveaux savoirs et ce dans des domaines très variés tels que l’histoire, la poésie, la magie, la science ou encore l’artisanat. C’est une femme épicurienne qui sait apprécier les plaisirs simples de la vie. Mais ce qui anime notre vampire, c’est l’Art sous toutes ses formes. Demelza joue de la harpe, peint et sculpte. Son domaine de prédilection et sa profession restant le portrait : elle met à disposition de ses clients son talent particulier pour la reproduction fidèle et romantique de leurs faciès. Demelza aime le beau dans ce qu’il a de singulier et d’unique. C’est une artiste à l’esprit insaisissable qui tient plus que tout à sa liberté.

Pouvoir

Il suffit à Demelza de voir et d'écouter quelqu'un parler pour que son oreille enregistre sa voix dans ses moindres inflexions. Elle devient alors capable de s'exprimer avec la voix de son interlocuteur, à l'identique. Même timbre, même intonation, même cadence. Qu'importe l'âge de la personne ou le sexe. Une fois la voix entendue, Demelza n'a plus qu'à se servir dans sa mémoire pour l'utiliser à bon ou mauvais escient. Cette particularité peut se révéler redoutable pour lancer ou infirmer des rumeurs...

Cependant, cette faculté n'est pas sans risque : usurper la voix d'une autre personne trop longtemps peut endommager celle de Demelza, voire même la remplacer définitivement. Pour cette raison, notre vampire n'en use qu'avec parcimonie le temps de quelques minutes tout au plus.

Histoire

« Madame Salisbury, votre fille est arrivée. »

D’un geste las, Camilla lui fit signe de la laisser entrer. Demelza avança dans la chambre lugubre où seule une bougie éclairait le lit dans lequel sa mère reposait, telle une défunte sur son lit de mort.

« Bonjour Mère. » dit-elle en embrassant son front avant de reculer d’un pas pour évaluer son état. Rien n’avait changé depuis la dernière fois, aussi ne fut-elle donc pas surprise de la mine macabre de Camilla qui n’était plus que l’ombre d’elle-même. « Je vois que tu n’as donc rien appris depuis ma dernière visite. Père est-il venu te voir ? » demanda Demelza qui connaissait déjà la réponse, enfonçant un clou supplémentaire dans le cercueil de douleur de sa mère. Cette dernière répondit par la négative dans un souffle, la gorge serrée et les yeux humides, déjà. La petite fille qu’elle avait tant désirée et choyée était devenue une femme. Une femme resplendissante d’assurance malgré son jeune âge. Finalement, elle n’avait hérité d’aucun trait de caractère de Camilla, tout venait de Georges. Et voir transparaître ainsi son époux à travers sa propre fille lui lacéra encore davantage le cœur.

« Sais-tu où il se trouve à l’heure où je te parle ? » questionna la jeune vampire à son aînée. « … Non » répondit Camilla. « Il est avec deux esclaves dans ses appartements. Ils ont fait tellement de bruit ce matin que toute la demeure a entendu leurs gémissements. » Une larme coula le long de la joue de sa pauvre mère. Imperturbable, Demelza poursuivit « Georges est un vampire séduisant et influent. Ce n’est pas avec tes sempiternelles jérémiades que tu parviendras à retrouver ta place à ses côtés. Il s’est lassé de ta culpabilité, de ton auto-apitoiement. C’en est devenu insupportable. » Elle fit une pause tout en dardant ses prunelles incandescentes sur Camilla. Avec un surprenant regain de force, elle lui rétorqua « Tu ne sauras jamais quelle douleur c’est que de se voir enlever un enfant. Cette pauvre femme, cette esclave, n’avait qu’un bébé comme unique bonheur dans sa vie de ténèbres. Et on lui a enlevé pour satisfaire notre désir complètement égoïste. Les vampires ne peuvent pas concevoir d’enfant. Durant ma vie humaine je ne suis jamais parvenue à tomber enceinte. C’était tellement douloureux, le pire échec de ma vie. Georges a pensé me faire plaisir en t’enlevant toute petite à cette femme… Il m’avait dit qu’il t’avait recueillie dans un orphelinat, il m’a menti. Et voilà où nous en sommes aujourd’hui… La vérité finit toujours par refaire surface. Nous avons enlevé un enfant et de désarroi cette mère s’est donnée la mort. Vivre avec ça sur la conscience… T’en rends-tu compte ? »

Camilla avait terminé sa phrase en criant, hors d’elle. Pourquoi Georges et Demelza étaient-ils aussi sourds à sa tristesse ? Pourquoi autant de mépris envers les humains ? Après tout, avant de devenir vampire, ils avaient été des êtres mortels. Elle lut la surprise dans les yeux de sa fille, peut être s’imaginait-elle que sa mère ne pouvait plus s’exprimer. A ses yeux, elle savait qu’elle n’était plus qu’une démente. Une folle. Camilla gênait, elle jetait le déshonneur sur sa famille. Ils avaient honte.

« Je n’ai jamais compris en quoi c’était un drame que Père m’enlève de cette esclave pour que vous m’éleviez. S’il ne l’avait pas fait, je serai sûrement habillée en souillon à cirer les chaussures de vampires. Juste bonne à récurer et à se faire prendre. Est-ce de ça que tu te sens coupable ? De m’avoir offert une vie digne de ce nom ? Père m’a transmis tout son savoir, m’a appris à me faire une place dans ce clan. Vous m’avez permis de développer mes talents en peinture, ce pourquoi je suis connue et respectée dans tout le Royaume. Si Père ne m’avait pas arrachée des bras de cette bougresse, s’il ne m’avait pas élevée comme sa fille et s’il ne m’avait pas fait renaître en vampire, je serai à l’heure d’aujourd’hui dans une porcherie ! »

Camilla resta interdite. Demelza prit un moment pour que sa mère imprime la diatribe dans son crâne, si tant est qu’il lui restait de la matière grise. Les larmes coulèrent de plus belle, suivies de sanglots. La jeune vampire se surprit à n’éprouver aucune empathie. Elle n’en avait plus. Ne restait plus que la haine. Le visage dénué de toute expression, elle finit par dire d’une voix étrangement douce :

« Si seulement tu étais restée humaine, tu te serais pendue et depuis longtemps nous aurions eu la paix. »

Elle quitta la pièce d’un pas résolu. Elle ne reviendrait plus jamais. Pour Demelza, sa mort était morte ce jour-là.